Aliette de Crozet : “Le travail de journaliste tourisme est déconsidéré”

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TourMaG.com – Pendant les deux années de Covid, d’autres changements sont-ils intervenus dans vos choix de sujets et leur traitement ?

Aliette de Crozet : Oui, clairement. Le tourisme a toujours été vu par les rédactions comme anecdotique, une récréation entre les domaines sérieux – l’économie et la politique. Ces pages blanches, ou plutôt bleues, permettaient par ailleurs aux journaux de récompenser leurs rédacteurs avec un petit week-end ci, un petit hôtel de luxe là, ou, bingo, une rubrique.

Ou de mettre en avant un hôtel qui allait accueillir une équipe de mode -les fameux “échanges marchandise“. Là, ça n’était plus possible. De plus, le tourisme n’apporte pas de pub, en tout cas moins que le luxe et l’automobile.

Il a donc perdu beaucoup de pages. Dans celles qui restaient, la France et ses territoires ont repris le dessus -j’en étais ravie car j’ai toujours travaillé sur la France, même à l’époque où il était plus facile et moins coûteux de partir à l’île Maurice qu’à Belfort.

Mais pour les déringardiser les paysages de notre pays ont été assimilés à ceux de l’étranger -on n’est pas en Thaïlande, mais dans le Lot, pas à Hawaï mais en Auvergne, pas dans le Luberon, mais dans le Colorado, etc…

Ce qui évitait une fois encore de chercher leur identité intrinsèque.. Quoi que déprécié et sous-payé, le journalisme de tourisme demande de vraies compétences. Et d’avoir une grille de comparaisons.

Avant le covid, le tourisme s’imposait comme “un moment en-dehors” qui ne relevait pas de la vie réelle : avec le travail à distance, cela a changé. On ne lit plus une rubrique seulement pour savoir où passer deux semaines en famille. On se demande aussi : est-ce que c’est un endroit où je pourrai m’installer avec un ordinateur quelque temps.

Enfin, le covid nous a fait comprendre que le monde était fermé, qu’il n’y a plus de lieux à l’abri du plastique et de la pollution. En tant que prescripteurs, nous avons une vraie responsabilité de saisir les enjeux écologiques et d’avoir une expertise sur le green.

Enfin, mais cela existait avant le covid, il est encore plus mal vu de se faire plaisir. Pour la presse en général, le bonheur, c’est-à-dire ce sentiment si ténu et passager de se sentir bien quelque part quelques instants, est anecdotique. Ou consumériste. En tout cas que cela ne vaut pas la peine d’y réfléchir.

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