Tourisme : les Français n’arriveront en masse qu’à partir de la saison d’été

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En France, c’est la saison des vacances d’hiver. Une période qui dure de début février jusqu’à début mars, selon les zones et les régions. Et une période où les Français voyagent en masse, généralement vers des destinations « lumineuses », « ensoleillés », pour changer d’air, et échapper à la grisaille hivernale.

Mais cette année, le Maroc, qui était une des destinations prisées par le marché français, n’est pas dans les tablettes des voyagistes de l’Hexagone.

« En temps normal, avant le Covid, il y avait de la demande en cette période pour le Maroc. Mais à l’heure actuelle, non. Nos adhérents, qui sont des particuliers travaillant dans l’administration française, n’expriment pas de demande pour aller au Maroc », nous confie le responsable tourisme de l’Association touristique, sportive et culturelle des administrations financières (ATSCAF), une structure qui organise et conseille des dizaines de milliers de fonctionnaires français sur le volet voyage.

La raison est simple nous, selon lui. « Les frontières viennent à peine de rouvrir. Les gens n’avaient pas de visibilité sur le Maroc et ont déjà choisi d’autres destinations. » Cette absence de demande pour la destination Maroc en cette période nous a été confirmée par deux grands voyagistes français.

Les offres vers le Maroc ne seront prêtes que début mars

« Nous avons arrêté de vendre les offres vers le Maroc dès le mois de décembre, après la décision de fermeture des frontières. Vous imaginez bien que l’on ne peut pas commercialiser une destination fermée, et sur laquelle nous n’avons aucune visibilité. Nos partenaires marocains n’avaient pas de visibilité non plus sur la réouverture des frontières. Si cette décision avait été prise deux semaines en avance, les choses auraient été peut-être différentes, car le comportement du touriste français a changé par rapport au passé. Avec le Covid, les gens ne réservent plus leurs voyages des mois à l’avance, mais attendent au dernier moment pour se décider. Mais là, la décision marocaine arrive un peu tard… », se désole un grand voyagiste qui vend des centaines de milliers de voyages par an vers le Royaume.

Le responsable tourisme de l’ATSCAF nous indique à peu près la même chose. « Le comportement des touristes français a énormément changé. Les gens sont beaucoup plus méfiants par rapport à ce qui se passe, et attendent le dernier moment pour acheter leurs voyages. Ça se décide aux derniers jours, on n’est plus dans les réservations de six mois à l’avance. Mais ce que je peux vous affirmer, c’est que si nous n’avons pas de demandes sur le Maroc, c’est certainement à cause de la décision tardive de réouverture des frontières. »

Pour notre voyagiste français, les premières offres vers le Maroc ne seront disponibles qu’à partir du mois de mars. Ce que nous confirme également le deuxième voyagiste contacté par Médias24.

« Nous sommes en train de monter des offres avec nos partenaires marocains. On vient à peine d’avoir de la visibilité sur les conditions d’entrée, mais aussi sur les offres aériennes. Beaucoup d’hôtels et de clubs au Maroc ne sont pas encore prêts pour recevoir nos clients. Nous travaillons donc ensemble sur des offres que l’on va mettre sur le marché à partir du mois de mars. La saison hivernale, il faut l’oublier… », précise notre deuxième voyagiste.

Grand opérateur du tourisme au Maroc, Othman Chérif Alami, patron du groupe Atlas Voyage, nous confirme cet état de fait.

« Je suis en contact avec des grands opérateurs français qui font entre 300.000 et 400.000 visiteurs par an. Ils construisent avec nous l’offre aujourd’hui. Mais ils ne vont relancer la communication et la promotion du Maroc qu’à partir du 5 mars. » Othman Chérif Alami pense toutefois que la saison hivernale n’est pas pour autant totalement perdue.

« Il est vrai que les gens ont déjà réservé pour ces vacances de février et que nous arrivons en retard. Mais ceux qui ont des résidences secondaires au Maroc vont venir, comme ceux qui ont des riads, ou qui ont des liens familiaux au pays. Les clients qui doivent réserver des hôtels doivent encore les trouver, car les hôtels ne sont pas encore totalement installés. Les offres low cost ne sont pas encore installées non plus, un aller-retour pour le lendemain se fait à 500 ou 600 euros, c’est cher. Nous disons que février est un mois de préparation, nos clubs ouvrent d’ailleurs à partir du 5 mars », confirme l’opérateur marocain.

2 millions de visiteurs français attendus en 2022

Le marché français est toutefois rassuré par les dernières décisions et mesures prises par le Maroc, ainsi que par les signaux envoyés par les autorités.

« Nous sommes très contents de voir une destination comme Marrakech revenir sur le marché. Nous étions un peu méfiants par rapport aux décisions qui peuvent être prises concernant les frontières, mais on nous a assuré côté marocain que les frontières ne seraient plus fermées, Covid ou pas. Il y a encore des difficultés, et nous l’avons dit à nos partenaires marocains, notamment sur les conditions d’entrée, avec les tests PCR de moins de 48 h, les contrôles à l’aéroport et tout un tas de procédures qui peuvent diminuer l’attractivité de la destination, mais je pense que ces mesures seront assouplies dans les semaines à venir, au fur et à mesure de l’affaiblissement de cette vague Omicron aussi bien chez nous qu’au Maroc », nous révèle un voyagiste français.

Nos sources en France nous assurent que, malgré cette absence du Maroc du marché, la destination reste facilement vendable car très prisée par les touristes français. Elles estiment que le Maroc pourra se replacer vite sur le marché et revenir comme tous les ans au top 10 des destinations des touristes français, à partir de juin.

A quel flux s’attendent-ils ? Les opérateurs français ne veulent pas avancer de chiffres, affirmant qu’il est impossible de donner des prévisions à cet instant, car cela dépend selon eux de plusieurs facteurs : l’assouplissement des conditions d’entrée, les offres aériennes, l’évolution des conditions sanitaires aussi bien en Europe qu’au Maroc, la compétitivité de l’offre Maroc… Mais l’un d’eux nous confie que si tout se passe bien, le Maroc pourra faire un « bon chiffre » en été.

Othman Chérif Alami qui travaille avec de grands T.O. français et européens estime, lui, que le Maroc devrait attirer cette année 2 millions de touristes français, soit un peu moins de la moitié du nombre de Français ayant visité le Maroc en 2019 (près de 4,5 millions de visiteurs)…

« Il y a un grand espoir pour l’été de voir nos hôtels retrouver 50% à 60% d’occupation. Les compagnies aériennes comme Air France, Ryanair, Transavia, RAM, etc. déclarent qu’elles vont revenir. Il faudra trois mois pour que les choses reviennent à la normale. Toutes catégories de touristes français confondues, je pense qu’on fera entre 2 et 2,2 millions de visiteurs. Et je parle de visiteurs, comme le définit l’Organisation mondiale du tourisme, qui dit qu’un visiteur est tout non-résident qui visite un pays étranger », précise le patron du groupe Atlas Voyages. Dans la prévision des 2 millions de touristes français, les MRE sont donc compris dans le lot.

Un espoir fondé selon Othman Chérif Alami sur des données tangibles, comme l’intérêt que manifestent les T.O. et voyagistes français pour la destination Maroc, et les offres qui sont en train d’être montées pour être commercialisées à partir du mois de mars.

« Pour juin-juillet-août, je peux vous dire que pour de grands T.O., Agadir est revenu au top 10 des réservations. Nous préparons d’ailleurs nos business plans sur cette base. Et le chiffre des 2 millions est raisonnable, même s’il reste loin des 4,5 millions atteints en 2019, et de l ‘ambition alors affichée par l’ancien directeur de l’ONMT qui visait 10 millions de touristes français. Cela donne l’ampleur du déficit créé par deux mois de fermeture des frontières, mais aussi par cette crise du Covid », estime Othman Chérif Alami. Ce dernier espère également la reprise des croisières, une niche qui peut à elle seule attirer jusqu’à 300.000 visiteurs, notamment à Casablanca.

« On espère vivement la reprise des croisières, avec notamment le magnifique quai de Casablanca. Les offres sont envoyées, mais il faudrait qu’on attende la programmation des paquebots qui se fait six mois à l’avance. Pour juillet, on aura peut-être des programmations qui remettront Casablanca dans le circuit. C’est une escale très prisée commercialement. On est en phase de redémarrage, de remise en marche… Ce n’est pas facile. Mais les choses vont reprendre », nous rassure notre professionnel marocain.

Les Français veulent voyager, mais…

Mais pour que ces espoirs se réalisent, que les hôtels retrouvent des taux d’occupation de 50% à 60%, et que le secteur reprenne vie grâce à la locomotive que représente le marché français, premier émetteur de touristes pour le Royaume, opérateurs français et marocains souhaitent que les autorités fournissent davantage d’efforts, notamment pour l’’assouplissement des conditions d’entrée.

« Les contrôles à l’aéroport avec des tests rapides ou des tests PCR aléatoires sont très difficiles à gérer. Le premier jour à Casablanca, il y a des clients qui sont sortis après quatre heures. Ils ont fait le contrôle des documents, du pass vaccinal, ont traversé la police, pris leurs bagages, sont sortis de l’aéroport en passant par la douane, et ils sont tombés sur un chapiteau artisanal avec plein d’infirmières et de fonctionnaires qui les contrôlent de nouveau. Avec tous les avions qui arrivent maintenant, ça a pris quatre heures. La logistique est défaillante. C’est presque comme en France, les problèmes de logistique sont récurrents des deux côtés de la Méditerranée », se désole Othman Chérif Alami.

Les opérateurs français que nous avons sondés soulignent aussi que cet élément est devenu décisif dans le choix des destinations.

« Contrairement à ce que l’on attendait, les Français n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir voyager. On vit  une sorte de revanche sur ces deux années de Covid. La demande est très élevée, mais le comportement des clients a beaucoup changé. L’un des éléments clés dans le choix de leurs destinations sont les conditions d’entrée, de vie dans les pays de destination, mais aussi les conditions de retour. Les gens veulent savoir à l’avance ce qui les attend, ce qui se passera s’ils sont positifs à l’arrivée, ou en cours de séjour, s’ils seront obligés de s’autoconfiner ou non… Et les pays aujourd’hui jouent sur cela pour attirer les touristes. C’est devenu un critère de compétitivité, de concurrence entre destinations », nous explique un voyagiste français.

Ce phénomène de « Travel revenge » a été confirmé par une récente étude réalisée par OpinionWay pour le moteur de recherche de voyages Liligo. Ce sondage, réalisé du 15 au 16 décembre 2021, sur un échantillon de 1.000 personnes représentatives de la population française, a montré que 42% des Français confirmaient leur intention de faire leurs valises d’ici la fin de l’été 2022, contre 37% à la même période de l’année dernière.

« Bien que le variant Omicron ait chamboulé les derniers instants de 2021, les intentions de voyage pour 2022 dévoilées par l’étude continuent d’indiquer une tendance positive pour le secteur du tourisme », explique Guillaume Rostand, porte-parole du comparateur Liligo.

L’envie de voyage s’avère forte chez les plus jeunes (46% des 18-24 ans) comme parmi les plus âgés (42% des 65 ans et plus). Selon l’étude, seulement 15% ont déclaré qu’ils ne voyageraient pas avant la fin de la pandémie, soit 23 points de moins qu’un an plus tôt.

Des chiffres qui démontrent clairement la reprise du marché hexagonal, l’envie des Français de voyager… Une aubaine pour le Maroc qui est une de leurs destinations préférées, et dont pas moins de cinq villes ont figuré en 2021 dans le top 10 des destinations les plus prisées : Casablanca, Marrakech, Oujda, Fès et Agadir. Les quatre premières villes venues en tête de ce classement réalisé par le comparateur de voyages en ligne, Kayak.fr, ont distancé des destinations comme Barcelone, Palma de Majorque ou encore Lisbonne. Quand à Agadir, venue en 8e position, elle bat des destinations comme Athènes ou encore Luqa (Malte). Le marché est là, il est demandeur, actif, tiré certainement par les MRE… il ne reste plus qu’à le capter !

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