En tout début d’année, les tendances à venir s’égrainaient sous la plume joyeuse de Jean-Luc Boulin qui vous conseillait, avec une légère pointe de dérision, de miser sur LA hype de 2023, le yoga-chiot.
Sans le savoir, il m’avait soufflé mon premier billet de l’année…
Je dois vous avouer qu’un sourire narquois se dessina sur mon visage lorsque je découvris quelques jours plus tard le concept de « trek-tricot », au gré de mes recherches sur le tourisme créatif.
Passé cet élan de snobisme inapproprié, je me penchais un peu plus sur cette pratique initiée en Islande, qui a en réalité beaucoup de sens et poursuit la tendance, bien ancrée, du tourisme durable.
Le concept du tricot-trek est simple, il s’agit de marcher et de tricoter, notamment dans des lieux à couper le souffle, mais aussi et surtout aux côtés de locaux, artisans, tisserans, qui partagent et délivrent leurs savoir-faire aux visiteurs. De la transhumance au tri des moutons, au choix de la laine et à l’apprentissage de la technique de tricot islandais, l’immersion est complète, et les souvenirs ineffaçables.
une expérience tangible
Après une ère vouée au tout-technologique, le retour à la tangibilité de l’expérience s’exprime notamment par un souhait, voire un besoin de rematérialiser le vécu.
Dit plus simplement, redevenir acteur de sa propre expérience (ici en tricotant un pull, un bonnet, des gants) prend le pas sur la visite de « hotspots » incontournables, sur la quête du cliché instagrammable, pour opérer un retour vers des moments plus authentiques et liés très fortement à la notion de rencontre et de partage.
Au passage, le prochain trek-tricot programmé en septembre 2023 est complet.
« Before-After »
Crédit photo Hélène Magnusson
En m’intéressant de plus près à cette notion de tourisme créatif, je me suis aperçue que de nombreux papiers l’avaient identifiée comme une tendance de fond il y a de cela plusieurs années, comme l’atteste le billet de Laurent Queige sur ce présent blog en 2015. Après une traversée du désert, le tourisme créatif reprend de la vigueur et refait surface progressivement, notamment depuis la pandémie qui nous a cloués à nos domiciles, favorisant un retour de hype du « DIY » (« fais-le toi-même »).
tous créatifs !
Nous avons donc tous : fait notre propre pain, essayé avec plus ou moins de bonheur de se confectionner des fringues, commencé à cultiver notre jardin quand bien même nous ne possédions qu’un balconnet. Les internets mondiaux nous ont permis de partager très largement ces expériences, mais aussi et surtout d’apprendre ces pratiques, au travers de tutos, forums et autres tik-toks. C’est donc tout naturellement que les confinés créatifs que nous fûmes avons transposé ces aspirations à nos modes de voyage et de découverte. Le « live like a local » déjà solidement ancré dans nos désirs de voyageurs s’approfondit aujourd’hui autour de la notion d’expérience. Si ce terme est utilisé de manière quasi abusive par les opérateurs et acteurs institutionnels et privés, le tourisme créatif revêt lui une importance dimension collaborative.
Il s’agit bien pour le visiteur de faire par lui-même, mais également de développer son « potentiel créatif ».
En effet, les périodes de pandémie nous ont (pour certain.e.s) laissé la faveur et le temps d’écrire, de mettre en musique/en podcast/en poésie ou encore en images nos journaux de confinement, à l’instar de carnets de voyages immobiles. Toutes ces formes d’expression ont parfois agi comme un révélateur pour les confiné.e.s que nous étions, qui recherchent dorénavant des espaces-temps propices à cultiver cette fibre créatrice.
Ainsi se développent des séjours sous forme de randonnées photographiques, ou de résidences d’écriture ; Airbnb a opportunément créé un filtre « art & créativité » qui propose des hébergements favorables à l’inspiration.
de nombreuses opportunités
Ainsi donc, le tourisme créatif, enfant légitime du tourisme culturel et du tourisme durable, se présente-t’il comme une opportunité post-COVID non négligeable.
Tout d’abord, il favorise une économie circulaire et non délocalisable, en faisant appel aux forces vives de votre territoire, détentrices de savoir-faire artisanaux, gastronomiques, culturels, artistiques etc. Ici, on décloisonne également les secteurs en sortant du seul champ touristique pour intéresser tout un pan de l’économie locale, à qui l’on propose de surcroît de désaisonnaliser son activité. En effet, les adeptes du tourisme créatif sont réticents à ce que l’on appelle le tourisme de masse, et va se tourner vers des lieux plus confidentiels et à des moments de l’année moins fréquentés.
C’est aussi une manière de diversifier vos cibles, le tourisme créatif répondant pleinement aux besoins des séminaires et teams buildings qui constituent une part non négligeable du tourisme d’affaires. Enfin, cela peut constituer un élément de réponse pour une diversification des activités dans des territoires quasi monolithiques (RIP le ski 😢😭), en élargissant son panel d’offres.
Atelier de teinture au Château de Loubens-Lauragais
laisser une trace
Par ailleurs, le tourisme créatif est une belle manière de valoriser et protéger toutes les formes de patrimoines immatériels qui font la richesse de vos territoires. De nombreuses études montrent qu’on ne retient jamais mieux que lorsque l’on est engagé dans une action. Par exemple, il sera plus facile de retenir une recette en la réalisant, qu’en la lisant simplement. En effet, on met alors en jeu les circuits cérébraux de la planification et du mouvement dans un engagement personnel, et l’on vit (réellement) une expérience sensorielle qui active plusieurs vecteurs de mémorisation : contexte, objets utilisés, sons, odeurs… que notre cerveau convoquera pour recréer le souvenir. Un souvenir émotionnellement attaché à votre territoire, emblématique d’un moment pleinement vécu, unique en soi.
Ainsi les caractéristiques et les atouts propres de vos territoires sont-ils des terrains propices à explorer pour la mise en place d’actions de tourisme créatif : Participer à un atelier d’écriture avec un conteur local, préparer un préfou dans une boulangerie vendéenne, peindre la Montagne Sainte-Victoire sur les traces de Cézanne, tresser une couronne de fleurs séchées, apprendre une danse bretonne les poils hérissés par le tonnerre d’un bagad, écouter le linge sécher dans la brise du pays de Cocagne après une teinture au bleu indigo, seront autant de précieux moments, traduits en objets tangibles et concrets, que vos visiteurs emporteront dans leurs valises et dans leurs têtes.