Le secteur du tourisme se penche sur le metaverse

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Si vous n’avez rien de prévu le 22 mai prochain, que diriez-vous d’effectuer un aller-retour à Benidorm… sans bouger de chez vous ? À cette date, la fameuse station balnéaire de la côte est de l’Espagne, sur la Costa Blanca, lance BenidormLand, un metaverse (ou métavers) qui sera accessible aux 140 millions d’utilisateurs de la plateforme de jeux en ligne Steam. La promesse de ce projet pilote, développé avec l’entreprise espagnole SIX3D ? Une immersion dans la ville, entre plages et gratte-ciel, comme si on y était.

Des acteurs touristiques encore peu intéressés par le metaverse en France

Benidorm est la première destination touristique européenne à annoncer son positionnement dans le metaverse, ce monde virtuel immersif et interactif qui prend de l’ampleur depuis juillet 2021, après que Marc Zuckerberg a annoncé la construction d’un metaverse par Facebook (d’ailleurs rebaptisé Meta). “Cette évolution d’Internet s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se situent dans un environnement très concurrentiel avec l’arrivée de nouveaux entrants. Il y a peut-être une saturation des utilisateurs, qui ont besoin de changer de plateforme ou d’expérimenter de nouvelles manières de communiquer”, commente Naïma Aïdi, doctorante en sciences de l’information et de la communication, spécialisée dans le tourisme.

Des villes en Asie, notamment Séoul et Tokyo, ont également annoncé leur arrivée sur le metaverse. La capitale de la Corée du Sud a prévu d’ouvrir son propre metaverse en 2023, qui offrira une visite des grandes attractions de la ville, de la place Gwanghwamun au marché de Namdaemun en passant par le palais Deoksugung.

Le palais Deoksugung, à Séoul, fera partie du projet “Seoul Metaverse”, qui devrait voir le jour en 2023. Tuomas A. Lehtinen

À l’inverse, la France semble encore à la traîne. “Aucune collectivité ne s’y est encore intéressée officiellement”, avance Sophie Lacour, directrice générale d’Advanced Tourism. Seul le directeur général de l’office du tourisme de Val d’Isère a annoncé l’acquisition de terrains sur Next Earth, un monde virtuel décentralisé, mais sur ses fonds propres.

Une offre touristique parallèle

Encore naissant, le metaverse est un nouveau terrain de jeu pour l’industrie touristique. Dès lors, à quoi peut-on s’attendre en termes de produits dans ce monde virtuel ? “On peut imaginer des catalogues extraordinaires, en 4D, de la destination, dans lesquels il sera possible de se promener. Comme avec la réalité augmentée, on peut aussi imaginer pouvoir se promener dans le temps et découvrir comment les monuments étaient auparavant”, décrit Sophie Lacour. Dans le metaverse de Séoul, il sera par exemple possible de visiter la porte Donuimun, aujourd’hui disparue.

“Le metaverse peut être un outil de promotion pour les marques et les destinations, une reconstitution de ce qu’elles proposent.” Sophie Lacour, directrice générale d’Advanced Tourism

“La valeur ajoutée du metaverse, c’est de proposer des choses qu’on ne peut pas proposer sur place, comme se promener dans des destinations anciennes, interagir avec des personnages d’époque”, ajoute Sophie Lacour. Le metaverse pourrait aussi être un moyen d’inciter les touristes à revenir dans une destination qu’ils n’auraient pas eu le temps d’explorer en entier, et d’ainsi encourager le phénomène des “repeaters”, ces touristes qui visitent au moins deux fois une même destination.

Des destinations touristiques inventées dans le métavers ?

La spécialiste va même plus loin, et se demande s’il ne sera pas possible, à terme, d’inventer des destinations touristiques dans le metaverse. Après tout, de nombreux artistes ont déjà créé leur propre univers dans le metaverse, comme MoyaLand, l’univers virtuel de l’artiste Patrick Moya sur Second Life, qui existe depuis 2007. Cet univers virtuel touristique possède entre autres un office de tourisme, un aéroport, mais aussi différents musées. “Avec le metaverse, c’est le tourisme qu’il va falloir redéfinir”, s’enthousiasme Sophie Lacour, qui se veut néanmoins prudente.

5 à 10 ans avant de voir une offre aboutie

Selon la consultante, ni les serveurs ni les gens ne sont, en effet, prêts pour une démocratisation des metaverse. Pour l’instant, seuls les technophiles et les “early adopters” semblent s’intéresser à ces nouveaux mondes, même si des études sont encourageantes. Une étude Yougov réalisée les 24 et 25 février 2022 rapporte par exemple que près d’un jeune sur deux (47%) entre 18 et 24 ans serait curieux de visiter une destination touristique à travers un metaverse.

“Il faudra un matériel, peut-être des lunettes – un équipement que tout le monde n’a pas – ainsi que des machines puissantes pour que l’expérience soit agréable. Pour l’instant, le metaverse ne s’adresse pas à tout le monde, pour des raisons technologiques et sociologiques liées à cette technologie disruptive. Ça va être le cas pendant encore 5 à 10 ans”, estime Sophie Lacour.

Pour cette raison, la consultante conseille à ses clients du secteur touristique d’être très prudents. “La question, c’est aussi d’investir dans le bon metaverse, celui qui va durer. On regarde ce qui se passe, on achète éventuellement des bouts de terrain, mais ce n’est pas la peine de faire des gros investissements pour le moment”, explique-t-elle.

Le metaverse ne remplacera pas le réel

D’autant qu’il existerait une crainte de différents acteurs du tourisme que le metaverse remplace le réel. Aucune chance, selon Sophie Lacour, qui estime que les gens auront toujours envie de se déplacer. En outre, si l’on se réfère à la définition du tourisme telle qu’énoncée par l’Organisation mondiale du tourisme, ce dernier désigne “un phénomène social, culturel et économique qui suppose des mouvements de personnes vers des pays ou des lieux situés en dehors de leur environnement habituel, intervenant pour des motifs personnels ou pour affaires et motifs professionnels.” Rien à voir, donc, avec le fait de visiter un monde virtuel assis dans son propre canapé.

“Il y a une grande différence entre manger une brochette au bord de la mer Baltique et manger un hamburger dans le metaverse.” Sophie Lacour, directrice générale d’Advanced Tourism

Pour Naïma Aïdi, “l’expérience touristique est quand même beaucoup liée à l’hédonisme, au plaisir, à la sensation de découvrir de nouvelles choses, à l’émerveillement. Le metaverse pourrait susciter une envie de voyager mais ça ne pourra pas remplacer une expérience à part entière.”

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