Trop de gens au même endroit en même temps. Des infrastructures qui nuisent aux communautés locales. Des animaux et des enfants exploités pour des égoportraits. The Last Tourist décortique le tourisme de masse dans ses pires travers. Ce documentaire confrontant propose aussi des pistes pour voyager de manière plus écologique et équitable.
Publié à 11h00
L’envie de voyager est profondément inscrite en nous : l’être humain apprend par accumulation d’expériences et au contact des autres, rappelle le documentaire The Last Tourist, présenté sur Crave à compter de dimanche. D’où les expéditions menées par nos ancêtres et cette envie qu’on a encore d’aller voir en personne ces lieux et ces cultures qu’on ne connaît qu’à travers des images.
Et en ce début de XXIe siècle, c’est plus de 1 milliard de vols internationaux qui transportent chaque année des voyageurs jusque dans les coins les plus reculés de la planète. « Quelque part en chemin, on devient touriste. On devient une personne déconnectée du lieu même qu’on va visiter », remarque toutefois The Last Tourist.
L’industrie touristique est un moteur économique important : 80 % des pays placent le tourisme parmi leurs cinq principales sources de revenus, selon le documentaire. Environ 90 millions de personnes visitent chaque année la France – Paris, surtout – alors que le pays compte un peu moins de 70 millions d’habitants. Autre exemple : il y a 4,3 millions de visiteurs annuels en Jamaïque (des croisiéristes, surtout) pour une population de moins de 3 millions de personnes.
Nuisances publiques
On peut aller presque partout de nos jours, mais une fois sur place, les gens visitent tous les mêmes lieux (Machu Picchu au Pérou, la place Saint-Marc à Venise), pratiquent les mêmes activités (safaris en Tanzanie, rencontre avec des Maasaï au Kenya) et s’étendent sur les mêmes plages à Rio ou sur la Costa Del Sol. Bref, il y a souvent trop de monde au même endroit.
On est aussi trop nombreux à ne pas se questionner sur l’impact de nos gestes. Se prélasser une semaine sur une plage du Mexique, ça relaxe.
On oublie volontiers qu’on y consomme plus d’eau qu’un habitant du coin et que, derrière le décor, les salaires sont souvent maigres, les profits partent souvent à l’étranger et les communautés locales n’en tirent pas grand-chose. Et c’est comme ça partout dans les pays moins développés, des Caraïbes jusqu’en Asie, soutient le documentaire.
Le voyage, affirme The Last Tourist, s’est perverti : on ne va plus à la rencontre de l’autre, on se déplace en souhaitant retrouver ailleurs le même confort, les mêmes commodités et la même nourriture qu’à la maison. Avec des divertissements parfois inouïs, comme de faire du karting sur un bateau en pleine mer…
Il y a pire : l’exploitation des animaux en Asie, et même celle des enfants.
Dans certains pays d’Afrique et d’Asie, les orphelinats où des touristes étrangers vont faire du bénévolat pendant leurs vacances sont de véritables entreprises où des familles qui peinent à joindre les deux bouts placent leurs enfants. Qui vivront là-bas des traumatismes affectifs à répétition.
Non, The Last Tourist n’est pas tendre dans sa façon de présenter le coût humain du tourisme de masse.
Réapprendre à voyager
Sa grande qualité, outre sa réelle empathie envers les communautés locales, c’est qu’il propose des pistes de solutions. Le tourisme est là pour de bon. Il peut toutefois être transformé, soutiennent plusieurs intervenants interrogés dans le documentaire, dont l’anthropologue Jane Goodall. Il est question de petits gestes : voyager avec une bouteille ou une tasse réutilisable, par exemple, mais surtout prendre le temps de s’informer.
Qui profite de cette expédition à la rencontre d’une communauté vivant sur le lac Titicaca ? Y a-t-il moyen de pratiquer un vrai tourisme solidaire, si on a envie d’apprendre à connaître une autre culture ? Quels lieux sont les plus appropriés pour être en contact avec des éléphants en Asie : un sanctuaire ou un de ces lieux où on les donne en spectacle ?
L’une des solutions, suggère le documentaire, c’est d’apprendre à voter avec notre portefeuille.
Donner de généreux pourboires aux employés, acheter dans des marchés locaux plutôt que dans des boutiques recommandées par un croisiériste ou une agence de voyages (qui récoltent souvent un pourcentage sur les ventes), préférer les commerces locaux aux grandes chaînes, s’informer au sujet des initiatives touristiques qui soutiennent directement les communautés visitées.
Le voyage peut être un formidable outil de redistribution de la richesse. Avec un peu plus de sens critique et de préparation, soutient le documentaire, il pourrait nourrir l’expérience humaine… et des familles entières.
The Last Tourist sera offert sur Crave dès ce dimanche.