Pourquoi la réouverture des frontières ne relancera pas le tourisme aussi vite que leur fermeture ne l’a paralysé

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Des pays fermés depuis le début de l’épidémie rouvrent enfin leurs frontières aux non-résidents : le Ghana ou Singapour ces derniers jours, la Nouvelle Zélande de façon échelonnée entre avril et mai prochains… Mais il ne suffit pas de rouvrir les vannes pour retrouver les niveaux de fréquentation touristique d’avant-COVID, la pandémie ayant développé des mécanismes psychologiques de résistance plus ou moins conscients.

A l’heure où le variant Omicron continue de sévir, il est à craindre un nouveau recours à la fermeture des frontières comme mesure d’endiguement.Comme l’a très tôt exhorté l’OMS, ses effets sont pourtant désastreux, notamment pour l’industrie du tourisme, en plus d’être inefficaces à ce stade de l’épidémie. Les chiffres pour 2020 sont vertigineux et resteront, espérons-le, un record : une baisse d’un milliard d’arrivées, 2000 milliards de dollars en moins pour le PIB mondial et la suppression de 100 à 120 millions d’emplois directs, selon l’Organisation mondiale du Tourisme.

Y recourir pour contrecarrer une éventuelle 7ème vague ou prolonger cette mesure dans les mois qui viennent devient dès lors un non-sens qui non seulement condamne la saison 2022, mais fragilise aussi le redémarrage du tourisme à plus moyen terme, en alimentant des ressorts psychologiques dont personne ne parle mais qui impactent directement le processus de décision et conversion chez les voyageurs, et donc la dynamique du secteur.

Plus encore que la fermeture pure et simple des frontières, la politique de stop-and-go qu’ont adoptée certains États comme Hong Kong en août 2021 ou le Vietnam trois mois plus tard, avec des allers-retours imprévisibles entre ouverture et fermeture des frontières, a créé un précédent particulièrement dissuasif à portée mondiale.

Autre mécanique produisant les mêmes effets : le sort subi fin 2021 par l’Afrique du Sud, qui se retrouva isolée du reste du monde pendant quelques jours lorsqu’elle eut le courage de partager ses découvertes scientifiques sur l’apparition du variant Omicron, alors même que la situation épidémiologique était tout à fait stable et maîtrisée dans le pays.

La vitesse et l’imprévisibilité à laquelle les politiques migratoires ont pu changer, combinée à la multiplication des cas à l’échelle du globe, ont durablement imprimé un sentiment d’incertitude de nature à décourager tout projet de déplacement chez le voyageur. Les conclusions de la dernière étude Havas Meaningful Brands (2021), qui portent notamment sur l’importance accordée par les voyageurs au sentiment de « sérénité » et de « facilité » dans leur voyage, paraissent teintées d’ironie dans ce contexte !

R comme « réouverture » et comme « renoncement » donc. Mais aussi comme « rejet », un phénomène plus difficilement tangible mais plus inquiétant encore.

En excluant les touristes de la réouverture progressive des frontières comme l’a fait le Japon depuis mars ou en discriminant les nationalités en fonction de la circulation du virus sur leur sol d’origine, la lutte contre la pandémie s’est en effet soldée par une « stigmatisation » plus ou moins consciente du touriste, pour reprendre les termes de l’anthropologue François Héran, avec parfois des élans objectivement racistes contre certaines nationalités. Le touriste, qu’il soit vacancier, travailleur étranger, étudiant, migrant… s’est transformé en ambassadeur souvent indésirable d’un monde extérieur devenu dangereux pour les résidents d’un pays.

Une telle distinction entre intérieur/extérieur, résident/non-résident, national/étranger, est totalement factice pour lutter contre un virus qui ne fait pas la distinction du passeport. Elle alimente un sentiment de méfiance et de peur profondément préjudiciable à l’accueil réservé aux voyageurs de courte ou longue durée, avec un effet domino sur leur expérience globale, leur degré de satisfaction, et donc leur pouvoir de prescription, alors que le bouche à oreille reste dans le Top 3 des sources d’information consultées par les voyageurs lorsqu’ils planifient leur déplacement.

Les acteurs du tourisme mondial ne doivent pas sous-estimer l’emprise de ce double mécanisme de résistance – l’envie contre l’acte de voyager et les autochtones contre les étrangers – sur la dynamique de reprise. Le traiter frontalement en déployant une communication de réassurance, répondant aux inquiétudes de chaque public, est indispensable et nécessite une connaissance très fine des ressorts à actionner, connaissance que HERE, la verticale tourisme du groupe Vivendi, a développée grâce à un accès à d’innombrables données et un ancrage local dans 125 pays.

Espérons que l’élan positif porté par le très fort désir de voyager, qui n’a jamais été aussi puissant qu’aujourd’hui, prendra aussi le pas sur ces ressorts psychologiques de repli. Et on se souviendra pour la prochaine fois que l’OMS a parfois raison.

Philippine van Tichelen, est directrice de HERE

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