La crise de Covid-19 a bouleversé les projets de voyage de nombreux Français… mais aussi l’assurance voyage. Dans un tel contexte, tous n’ont pas pu être remboursés pour l’annulation de leur voyage, le risque pandémique étant bien souvent exclu des contrats. Alexandre Cordier, directeur commercial d’AVA Assurances, pionnier de l’assurance voyage et cabinet familial depuis 40 ans, nous explique les nouveaux enjeux pour ces contrats bien particuliers.
Les demandes de destinations ont-elles changé avec la crise ?
Il existe différents profils de voyageurs : des particuliers qui voyagent pour des vacances dans des destinations touristiques, des professionnels en mission à l’étranger, des étudiants qui s’orientent souvent vers les États-Unis, le Canada et l’Australie, ainsi que les backpackers et autres aventuriers qui parcourent le monde.
Évidemment, beaucoup de voyageurs ont choisi comme destination l’Europe, car les distances sont plus réduites et les coûts moins importants. Mais le taux de souscription à l’assurance voyage est plus faible que pour d’autres destinations, parce qu’on se dit qu’en Europe, les frais de santé sont moins élevés qu’ailleurs et que la Sécurité sociale prend une partie en charge à travers les accords négociés avec les autres pays de l’UE.
Avec le Covid et la fermeture des frontières, les touristes cherchent plus les destinations qui restent ouvertes. Donc on est plutôt dans un voyage « opportuniste », avec des pays cibles comme le Mexique, le Costa Rica, l’Amérique du Sud en général, excepté le Brésil étant donné la situation… Dubaï et les Émirats restent également privilégiés. Les destinations sont variables en fonction de l’actualité et des décisions politiques de chaque pays d’ouvrir ou pas son territoire aux Français. On est beaucoup plus dans une logique de « last minute » pour voyager que dans un voyage préparé longtemps à l’avance.
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L’assurance voyage va-t-elle devenir incontournable quand les voyages reprendront ?
On a aujourd’hui bien moins de voyageurs, mais avec un taux de souscription à l’assurance voyage bien plus élevé qu’auparavant. En tant que courtier spécialisé, on connaît une baisse d’activité importante mais nous avons noté que les voyageurs ont pris conscience du risque de tomber malade, et que cela peut se produire dans le monde entier.
De plus, ils doivent pouvoir justifier pour voyager d’une assurance voyage permettant de couvrir les frais médicaux liés au Covid. Les pays ne veulent pas faire supporter par leur système de santé les voyageurs étrangers malades du Covid. Ils veulent s’assurer qu’une compagnie privée couvrira les frais de santé en cas d’hospitalisation. Donc il devient quasiment obligatoire d’avoir une assurance voyage (qui mentionne le Covid), alors que cela n’était exigé avant que par quelques pays (Russie, Chine, Algérie…).
Pensez-vous que l’assurance voyage va-t-elle devenir obligatoire en France ?
Aujourd’hui, les étrangers qui doivent obtenir un visa pour venir en France ont besoin d’une assurance voyage incluant l’assistance rapatriement et la prise en charge des frais médicaux à hauteur de 30 000 euros. En fonction du pays d’origine, l’attestation d’assurance est donc déjà obligatoire. En revanche, je ne pense que cela pourrait être généralisé à tous les touristes étrangers
Maintenant, l’État français peut-il imposer que les Français partent à l’étranger avec une assurance voyage ? Je ne vois pas quelles en seraient les raisons. Ce sont plutôt les pays de destination qui exigent une telle assurance, pas le pays d’origine. Cependant, il existe certains cas où la souscription à une assurance voyage est fortement recommandée, voire rendue obligatoire pour des séjours à l’étranger. C’est par exemple le cas des écoles d’enseignement supérieur, qui, rendant le cursus à l’étranger obligatoire, pourraient voir leur responsabilité engagée vis-à-vis des parents si quelque chose arrivait à un étudiant qui n’aurait pas souscrit une assurance rapatriement.
C’est donc pour ces organismes une nécessité que de rendre obligatoire au moins l’assistance rapatriement et la prise en charge des frais de santé à l’étranger. Cela est également le cas des entreprises qui souscrivent des contrats mission pour protéger leurs collaborateurs dans le monde entier. Donc c’est à l’échelle des personnes morales ou organisateurs de voyage que la souscription à l’assurance voyage de ses membres devient de plus en plus obligatoire.
Le recours au médiateur a bondi de 111 % pour l’assurance voyage. Que cela révèle-t-il ?
En mars 2020, lorsque la grosse vague de retour en France a eu lieu, beaucoup ont pensé que la garantie assistance rapatriement incluse dans les contrats d’assurance voyage signifiait la prise en charge par l’assureur des frais de retour en France en cas de pandémie. Certains voyageurs l’ont pensé mais également des ambassades ou consulats qui orientaient les voyageurs vers les assureurs. Mais ce n’est pas cela, le rapatriement sanitaire. Il concerne le retour en France suite à une hospitalisation à l’étranger ou le transport du voyageur si son état de santé nécessite une prise en charge immédiate en France. Cela ne concerne pas les évacuations suite à pandémie, sauf pour les collaborateurs d’entreprise, pour lesquels il peut exister des garanties spécifiques.
Il faut donc pointer deux niveaux de réclamation. Premièrement, le service clientèle qui doit assurer la bonne compréhension des contrats, avec une présentation de ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas. Pour nous, il y a donc une nécessité absolue d’accompagner le voyageur avant son adhésion au contrat afin qu’il sache ce qu’il contient. Le devoir de conseil est fondamental dans notre métier, d’autant plus que dans un monde qui se digitalise, de plus en plus de plateformes, de sites et de comparateurs vendent de l’assurance voyage en ligne sans toujours proposer de conseil personnalisé.
Mais peut-on vendre juste un contrat sans offrir l’accompagnement et le conseil qui vont avec ? La réponse est non. Il faut un service clientèle qui soit joignable, qui puisse clairement répondre aux questions et problématiques de chacun afin d’informer au préalable d’éventuelles exclusions. Le grand nombre de réclamations peut être lié au fait que certaines personnes ont souscrit une assurance sans savoir quelles étaient les garanties et exclusions et n’ont pas eu la possibilité de poser facilement des questions à un interlocuteur averti.
Deuxièmement, le contenu des contrats et leurs exclusions, car les pandémies et épidémies étaient exclues de très nombreux contrats d’assurance voyage. Il y a donc eu un fort mécontentement des voyageurs vis-à-vis de compagnies qui refusaient une prise en charge et la qualité de leurs contrats a été remise en cause. Ce qui n’était pas notre cas chez AVA Assurances, qui a toujours couvert la pandémie. Par ailleurs, notre prise en charge est toujours au premier euro, c’est-à-dire que la totalité des frais de santé occasionnés à l’étranger sont couverts et pas seulement une prise en charge complémentaire à celle de la Sécurité sociale.
L’article L211-14 du Code du Tourisme prévoit une annulation sans frais pour le voyageur dans certaines circonstances. Ce cadre juridique peut-il perdurer dans le contexte actuel ?
Il y a deux cas de figure : les voyages annulés à cause de la pandémie et des fermetures de frontières, qui ne sont pas du ressort du voyagiste ni du voyageur, et les annulations du fait du voyageur mais indépendantes de sa volonté, comme un enfant malade, une jambe cassée… bref, une impossibilité à voyager. Ce risque sera toujours présent, indépendamment de la pandémie et il ne faut pas que la pandémie devienne le seul sujet à traiter en termes d’annulation et masque les autres causes.
Les annulations pour cause Covid sont parfois mal comprises. En effet, la garantie annulation prévoit le remboursement des frais facturés par un voyagiste auprès d’un voyageur. Or, il y a eu peu de factures d’annulation lors des fermetures de frontières en 2020, car le voyagiste ou la compagnie aérienne a proposé un avoir au voyageur qui n’a rien perdu. Il n’y a donc pas de nécessité à se couvrir en annulation à ce titre. Évidemment, cela dépend des compagnies aériennes et des prestataires sur place, tous ne sont pas tous aussi souples. À savoir également que les compagnies aériennes et voyagistes ont nettement assoupli leur barème d’annulation depuis afin de les adapter aux conditions actuelles et ainsi promouvoir leurs prestations.
Va-t-il falloir revoir de fond en comble les polices des contrats d’assurance voyage ?
Pour les contrats qui excluaient les pandémies, oui, ils ont tout intérêt à les inclure dans leurs contrats car ce n’est plus un risque hypothétique. Sinon, je pense que le risque d’annulation de voyage ainsi que les garanties bagage ou retard d’avion ne disparaîtront pas. Il y aura peu de modifications de contrats à ce niveau.
En revanche, intégrer les événements liés aux épidémies est en vogue, mais il faut voir ce que cela contient et si ces garanties se justifient. Il faut que cela ait un bénéfice pour le voyageur. N’oublions pas que les principales garanties d’un contrat d’assurance voyage sont l’annulation de voyage, l’assistance et la prise en charge des frais médicaux en cas de maladie et d’accident à l’étranger. Il ne faudrait pas le voyageur focalise son attention sur des garanties annexes liées au Covid en oubliant le niveau de garantie sur les risques majeurs. Je ne pense pas que le Covid changera les fondamentaux d’un contrat d’assurance, par contre il sera sûrement mieux considéré à l’avenir.
Finalement, la crise peut-elle avoir des retombées positives pour l’assurance voyage ?
Avant tout, les acteurs de l’assurance voyage subissent de plein fouet les conséquences de cette crise puisque les voyages sont restreints. Nous ne pouvons donc pas parler de retombées positives à court terme. Cependant, nous sommes convaincus que les comportements des voyageurs et leur approche des risques vont être différents à l’avenir. Avant, le ratio de voyageurs partant pas ou mal assurés était phénoménal. On peut imager qu’il va diminuer.
En termes de coût, une assurance voyage varie selon la durée et les garanties, avec une moyenne à 70 euros par personne. Ce coût est modeste par rapport ou coût de voyage par exemple ou au bénéfice qui est énorme. En effet la fréquence d’un dossier à plus de 100 000 euros est faible, mais c’est le type de facture aux États-Unis ou à Singapour en cas d’accident grave… Le moindre problème dentaire à l’étranger peut rapidement s’élever à 600 euros. Et l’on ne parle même pas du coût d’un rapatriement de l’autre bout du monde. Ce n’est donc pas superflu.
Et il y a aussi l’aspect assistance aux voyageurs. On n’imagine pas le nombre de personnes qui peuvent multiplier les appels au plateau d’assistance 24 heures sur 24 pour obtenir un conseil médical ou une information sur les démarches à effectuer à l’étranger. Je pense que l’assurance voyage doit permettre aux voyageurs de continuer à partir sereinement.