Les destinations touristiques passent au vert – Partie 2

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Si le tourisme durable était auparavant considéré comme un tourisme de niche, ce n’est désormais plus le cas. A l’heure où l’urgence climatique est sur toutes les lèvres, le tourisme durable est passé de phénomène de mode à tendance pérenne. A commencer par les destinations touristiques qui chacune à leur tour s’engagent dans des stratégies et démarches visant à s’inscrire dans la mouvance du développement durable. Développement et promotion des offres touristiques doivent désormais rimer avec durabilité afin d’attire l’attention des voyageurs qui eux-mêmes sont de plus en plus engagés envers la préservation de l’environnement. Tour d’horizon des dernières initiatives en la matière.

Pour retrouver la première partie de cette analyse sur les destinations durables, cliquez ici. 

Faire de sa destination une référence en matière de durabilité

L’Occitanie n’a jamais caché son ambition de devenir la région durable par excellence de la France, comme en atteste le renouvellement de son partenariat environnemental avec l’ONU jusqu’en 2025. Et le territoire ne s’arrête pas en si bon chemin puisqu’il expérimente depuis trois ans différents dispositifs visant à développer les mobilités douces. Les habitants de la région peuvent ainsi bénéficier de la carte Occ’Ygène qui permet notamment de proposer des TER à 1 euros. Au total, plus de 1,7 million de billets de train ont été vendus en 2021. Dans le même temps, la Région a soutenu un nouveau programme de tarification dégressive de transports, dénommé + = 0 en faveur des moins de 25 ans, qui a permis à 270 000 jeunes de se déplacer en train plus aisément.

Parallèlement le CRT Occitanie mène un travail de fond pour montrer que l’on peut faire de « Fabuleux Voyage » dans la région sans forcément partir loin et surtout en se déplaçant uniquement en train. Dans l’optique d’inciter le maximum de voyageurs à renouer avec le chemin de fer, la destination dévoile l’Occitanie Rail Tour, une offre qui vise à valoriser la diversité des lignes de train que l’on trouve dans la région. En outre, il est d’ores et déjà prévu que l’Occitanie Rail Tour s’enrichisse de parcours alternatifs dès 2023, pour coupler le voyage en train avec quelques kilomètres sur le chemin de Saint Jacques, une location de bateaux sur le canal du Midi ou encore une descente du Lot en canoé.

Nous avons réalisé un véritable travail de fond avec la SNCF autour de nos sites touristiques (100 000 fiches traitées !), afin de réfléchir et répertorier leur accessibilité, de proposer des parcours en mode slow, et de connecter ainsi transport et loisir. Ce travail est encore en cours notamment en ce qui concerne la gestion du dernier kilomètre et la formation de l’ensemble de nos offices de tourisme, mais nous bénéficions pour cela du soutien financier de l’ADEME qui nous a permis d’embaucher une personne dédiée aux mobilités douces pour les trois années à venir. 

Dominique Thillet, Directeur du pôle 3D – Information Observation chez Comité Régional du Tourisme et des Loisirs Occitanie

L’Espagne est également très engagé sur le plan durable, et souhaite notamment se positionner comme une destination durable sur le marché Allemand. Selon Arturo Ortiz, directeur de l’office du tourisme de Turespaña à Berlin, « Il est important d’intégrer cet attribut dans l’ensemble de notre image en tant que destination et dans tous nos produits touristiques. C’est un défi qui va croître à long terme et si nous nous positionnons avant, nous serons en avance sur les autres destinations ».

Certaines régions du pays s’investissent davantage dans le développement d’une activité touristique responsable, à l’image des Asturies qui se dotent d’une enveloppe de 11,8 millions d’euros pour promouvoir cinq plans de durabilité touristique, avec un financement provenant des fonds européens du programme Next Generation de l’Union Européenne. S’étendant jusqu’à 2024, ces plans visent à promouvoir la durabilité et la numérisation dans la gestion des ressources, des infrastructures et des produits touristiques, ainsi qu’à générer des opportunités d’emploi dans les zones où ils sont mis en œuvre. Ils contribuent également à la préservation du paysage, car ils soutiennent les actions visant à réduire les émissions de gaz polluants et l’efficacité du traitement des déchets et de la consommation d’eau.

Le Delta de l’Ebre profitera également des fonds européens Next Generation, avec un investissement à hauteur de 9 millions d’euros qui sera utilisé pour des plans de durabilité touristique. Cette somme conséquente permettra à la destination d’étendre la voie verte du delta de l’Ebre pour relier Tortosa et La Ràpita, de créer un circuit touristique pour promouvoir les berges d’Amposta, de réhabiliter des maisons du Castell, d’installer des points de recharge de véhicules électriques ainsi que de mettre en place un parcours touristique en bateau écologique. 

Ce sont des projets forts, bien élaborés, qui se connectent avec le territoire et ses caractéristiques identitaires, apportent de la cohésion au delta de l’Ebre et contribuent à améliorer l’expérience touristique des visiteurs. 

Marta Domènech, directrice générale du tourisme de Catalogne

La Suisse est mondialement connue pour son patrimoine naturel riche et varié et la destination entend bien capitaliser sur cet atout. Dans cette optique, Switzerland Tourism dévoile sa stratégie de durabilité Swisstainable, visant à faire du pays la destination touristique la plus durable au monde. Ce programme s’inscrit dans les principes écologiques du pays et couvre l’ensemble de l’industrie touristique suisse. Il s’adresse à tous ceux, y compris les locaux, qui recherchent des options durables lors de leurs déplacements.

La Grèce n’est pas en reste comme en atteste les propos du ministre du tourisme grec Vassilis Kikilias. En effet, il explique le gouvernement a désormais pour ambition de « mettre en œuvre un modèle de développement durable qui préservera l’authenticité et les caractéristiques uniques de chaque coin de la Grèce ». L’Organisation nationale grecque du tourisme (GNTO) lancera ainsi une nouvelle campagne dont les thèmes principaux seront la protection de l’environnement, la mobilité intelligente, la réduction des émissions de gaz et la diminution de l’utilisation des plastiques. La transition vers un modèle de développement touristique durable permettra, selon lui, de créer des emplois de qualité, de générer des revenus, d’attirer des investisseurs et de jeter les bases d’un avenir meilleur pour les prochaines générations. 

La Grèce est à l’avant-garde de l’accélération de la transition verte, qui a été rendue possible grâce à des politiques innovantes, à un cadre institutionnel approprié et à des partenariats entre les secteurs public et privé. […] La mise en œuvre de politiques plus “vertes”, l’investissement dans l’économie circulaire et dans la transformation numérique, l’amélioration des projets d’infrastructure sont les prochaines étapes pour le développement de la “marque Grèce”. 

Vassilis Kikilias, ministre du tourisme grec

Quant à la Turquie, elle est la première destination au monde à signer un accord pour développer un programme national avec le Conseil mondial du tourisme durable (CMDT). L’industrie touristique turque sera ainsi restructurée dans le cadre de cet accord triennal. Dans la première étape de l’accord, les critères du programme national seront établis et les sociétés d’inspection recevront une formation. Dès la première semaine de février, les acteurs du tourisme turc rejoindront également le programme. La première étape du programme sera opérationnelle en 2023, la deuxième étape se déroulera en 2024 et 2025. D’ici 2030, toutes les normes internationales seront respectées.

Les destinations insulaires sont par nature des lieux où la protection de l’environnement est primordiale. Doté d’un budget de 1,2 milliard d’euros par la commission européenne, Chypre a dédié 41% de cette enveloppe à des mesures qui soutiennent les objectifs climatiques. Si l’île ne se proclame pas haut et forte destination durable de premier plan, elle ne manque pas toutefois d’engager des actions en ce sens.

De son côté, Tahiti veut devenir un « leader du slow tourisme ». Comme le souligne Jean-Marc Mocellin, directeur général de Tahiti Tourisme, la destination préfère miser sur un tourisme qualitatif plutôt qu’un tourisme quantitatif. L’ile s’engage ainsi sur la voie du tourisme durable, une résolution pas si nouvelle que cela. En effet, à titre d’exemple Jean-Marc Mocellin cite l’interdiction pour les bateaux de croisières de plus de 1200 personnes d’accoster à Bora Bora. Selon lui, « l’isolement est synonyme de préservation et le coût du voyage positionne Tahiti et Ses Iles comme une destination “slow tourisme”, loin du tourisme de masse, où le voyageur prend le temps de renouer avec l’essentiel ». La destination souhaite ainsi limiter le nombre de touristes qu’elle accueille à environ un touriste par habitant, soit un plafond de 300 000 visiteurs par an. L’objectif de cette nouvelle approche est également d’inciter les visiteurs à rester plus longtemps et de leur permettre de rencontrer la population locale.

Le tourisme responsable semble aussi être la voie que souhaite emprunter l’Ile de la Réunion dans les années à venir. En effet, Patrick Lebreton, Président de l’Île de La Réunion Tourisme, d éclare vouloir « porter pour les générations d’aujourd’hui et de demain un tourisme de sens et de valeur, un tourisme fort de notre patrimoine, de nos territoires et de notre art de vivre ». Il est donc impératif de trouvez un équilibre entre le nombre de visiteurs et le tourisme local qui se développe fortement depuis de début de la pandémie. L’organisme envisage notamment de combiner l’offre hôtelière avec les structures d’agritourisme. Comme le dit l’adage, l’union fait la force.

Dans le cadre d’un contrat de coopération, Atout France et son homologue allemand ONAT (Office National Allemand du Tourisme) lancent une campagne commune autour de l’inclusion et du tourisme durable au niveau du tourisme transfrontalier. Une opération ayant fait appel à des influenceurs voyages français et allemands qui sont partis à la découverte du patrimoine culturel, naturel et gastronomique des deux destinations. Cette campagne a également bénéficié de la coopération de la SNCF, promouvant ainsi les mobilités douces comme moyen de transport. 

Cette nouvelle campagne avec l’ONAT et la SNCF illustre notre volonté commune de conforter la relance de l’activité touristique autour de valeurs qui nous sont chères, dont l’inclusivité et la durabilité. Permettre à tous de découvrir la beauté de nos sites naturels, de goûter à notre art de vivre, tout en limitant l’impact de son voyage sur l’environnement doit être aujourd’hui le moteur de notre action. 

Caroline Leboucher, Directrice Générale d’Atout France

Des villes à la pointe de la durabilité

Les destinations urbaines ont décidé de ne pas rester sur la touche et de s’investir tout autant dans le tourisme durable. En effet, il n’est pas nécessaire de posséder de multiples atouts naturels pour se revendiquer destination durable, la preuve avec de nombreuses villes et métropoles à travers le monde. Des capitales aux villes secondaires, toutes mettent en place des stratégies et plans d’actions ambitieux attestant de leur volonté de proposer une industrie touristique plus vertueuse.

De nombreux classements existent pour mettre en lumière les villes les plus engagées sur la voie du développement durable. Selon le classement établi par Euromonitor International, l’Europe largement la transition durable des destinations urbaines. Le podium est ainsi occupé par Madrid, Stockholm et Dublin.

La capitale de l’Espagne se retrouve à la tête de ce classement notamment grâce à l’application du programme d’action pour l’environnement et le climat (LIFE) de l’Union européenne, « en utilisant la science des données citoyennes et en les agrégeant à l’intelligence artificielle, progressant ainsi vers son objectif de se consolider en tant que ville intelligente et durable ».

Ce n’est pas la seule ville de la péninsule ibérique à être engagée dans une démarche vertueuse. En effet, Valence vient tout juste d’allouer 7,5 millions d’euros au plan de durabilité du tourisme de la ville pour les années 2022-2024, financé principalement par les fonds européens Next Generation. L’objectif étant de faire en sorte que le tourisme reste un moteur économique, une source de bien-être pour les citoyens et de protection de l’environnement.

Le plan est divisé en 4 catégories : transition verte et durable, amélioration de l’efficacité énergétique, transition numérique et compétitivité. Chaque catégorie comprend diverses actions comme la mise en place d’un observatoire de la durabilité du tourisme, la décarbonisation de l’activité touristique, le développement d’une plateforme mondiale pour la gestion des destinations et l’intelligence touristique ou encore un plan de communication et de sensibilisation des touristes et des habitants.

Valence est en mesure de mettre en œuvre un plan ambitieux qui nous permet d’assumer la responsabilité de minimiser l’impact de l’activité touristique, tant sur le plan social qu’environnemental. 

Sandra Gómez, maire par intérim de Valence

Un engagement fort qui a valu à la ville espagnole d’être élue Capitale verte européenne 2024 par la Commission Européenne. Cette distinction reconnait et récompense les villes de plus de 100 000 habitants qui ont mis en œuvre des projets visant à réduire leur impact environnemental et à améliorer la qualité de vie. Un titre mérité aux vues de nombreuses initiatives en faveur de la mobilité durable, de la bonne gestion des déchets urbains et de la récupération d’espaces publics menées par la ville.

Ce n’est pas la première fois que la destination se voit récompensé pour son engagement envers l’environnement. En effet, Valence a reçu le titre de Capitale Européenne du Tourisme Intelligent en 2022 et celui de Capitale de l’Alimentation Durable en 2017. En outre, elle fait partie des 100 villes sélectionnées par l’Union Européenne pour le projet Cities Mission, dont le but est d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2030.

Les villes françaises ne sont pas reste comme en témoigne le classement mondial des destinations responsables, plus communément connu sous le nom de « Global Destination Sustainability Index ». En effet, 3 villes françaises sont présentes dans le top 30, à savoir Bordeaux à la 5ème place, Lyon à la 11ème place et Paris à la 25ème place. Avec un score global de 85,1%, Bordeaux enregistre une forte progression pour sa quatrième participation.

La belle endormie est notamment saluée pour ses actions en matière de tourisme et d’événementiel responsables, gagnant ainsi 4 place en un an. Ces résultats positifs récompensent l’ambition de la stratégie métropolitaine de tourisme responsable qui a été adoptée en mars 2022 et les premiers résultats prometteurs de cette année.

En effet, le Conseil de Bordeaux Métropole a adopté en début d’année une feuille de route établissant la stratégie du territoire pour déployer « une activité touristique et événementielle durable » d’ici à 2026. Une stratégie s’articulant autour de quatre axes principaux, qui regroupent une trentaine d’actions. Bordeaux veut dans un premier temps accompagner l’offre touristique locale dans sa transformation, avec une dizaine de leviers, comme la valorisation des produits locaux ou le développement de coopérations territoriales. Le développement de rencontres professionnelles et de grands événements « à impact positif », en lien avec les filières d’excellence du territoire figure également sur l’agenda. Enfin, la métropole souhaite piloter le développement économique du tourisme de manière soutenable.

Les villes nordiques sont tout autant réputées sur le plan durable, à l’image de Middelfart, une destination historiquement et culturellement importante au Danemark. Choisie comme destination européenne d’excellence pour 2022, cette récompense est une reconnaissance publique des efforts de Middelfart en matière de tourisme durable et de transition verte. Malgré sa petite taille et sa faible population, Middelfart offre de nombreuses expériences s’inscrivant dans la mouvance du tourisme durable. Middelfart intègre également la pensée durable dans ses décisions, notamment avec l’initiative « Belt in Balance », dans le but de stimuler le tourisme tout en favorisant la sensibilisation aux écosystèmes marins et côtiers.

Cette année marque l’entrée de Singapour dans ce même classement avec le soutien de l’Office du tourisme de Singapour (STB), en s’appuyant sur les efforts actuels da la cité-état en matière de durabilité dans le cadre du Singapore Green Plan 2030, un mouvement national visant à faire progresser l’agenda de la ville en matière de développement durable. Cet engagement permet à Singapour de devenir une destination urbaine plus durable et de se positionner pour atteindre son objectif à long terme de zéro émission nette dès que possible. 

Un accueil chaleureux à cette destination engagée qui prend de nouvelles mesures de durabilité pour l’aider à prospérer. Nous sommes ravis de voir certaines des meilleures pratiques vertes émanant de cette cité-État, qui a utilisé ses limites confinées à son avantage en créant des solutions durables innovantes pour la nation insulaire. Nous constatons également que le pouvoir de la communauté s’accroît avec chacun de ses efforts interdépendants en faveur d’une gestion plus régénératrice de la destination, et nous célébrons les impacts positifs que ce changement stratégique et durable a pour tous. 

Guy Bigwood, Chief Changemaker du Global Destination Sustainability Movement

 

Le futur du développement territorial passera forcément par la développement durable afin d’assurer la préservation des tous les écosystèmes ainsi que des communautés à travers le monde. Comme l’ont démontré ces nombreux exemples, la promotion d’une destination ainsi que la construction d’une offre touristique peuvent rimer avec éco-responsabilité. Transformer un territoire en une destination durable ne se révèle pas être aussi compliqué comme l’imaginent de nombreux acteurs, un engagement sincère et des actions concrètes sont les piliers d’une telle transition. Une transition plus que nécessaire dans le contexte actuel et qui répond notamment à de réelles attentes de la part des voyageurs internationaux. Au moment où se tient la COP 27 à Charm el-Cheikh, le secteur touristique doit plus que jamais démontré son engagement sans faille et suivre l’agenda mondial de la durabilité.

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