Le tourisme responsable, c’est d’abord redonner envie de voyager sobrement

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Darrin Zammit Lupi / Reuters Le tourisme est bien plus polluant que ce que l’on pensait

Darrin Zammit Lupi / Reuters

Depuis quelques années, nous prenons individuellement conscience de notre impact lorsque nous voyageons : le CO2 que génère l’avion que nous prenons, les déchets produits lors de nos voyages ou l’effet des masses de touristes sur les habitats naturels.

VOYAGE – Dès l’ouverture de la Coupe du Monde, plus de 160 vols quotidiens à coût réduit seront proposés aux supporters résidant dans les pays voisins du Qatar pour aller assister aux matchs. En parallèle, le tourisme spatial, qui s’apparente davantage à un shoot d’adrénaline convenu qu’à un voyage raisonné et respectueux des lieux, ne cesse de se développer alors qu’un lancement de fusée a un coût environnemental sans précédent ; et à une plus petite échelle, la ville du Havre a pour projet de rénover ses quais afin de doubler le nombre de bateaux de croisière, ces « villes flottantes » dont nous connaissons pourtant déjà les dégâts. Devant une situation écologique mondiale qui fait l’objet des pires consensus, il est temps de mettre fin à des projets vraisemblablement déconnectés de la nature même du voyage comme de la réalité environnementale. De changer l’imaginaire collectif de ce qu’est un voyage réussi.

Depuis quelques années, nous prenons individuellement conscience de notre impact lorsque nous voyageons : le CO2 que génère l’avion que nous prenons, les déchets produits lors de nos voyages ou l’effet des masses de touristes sur les habitats naturels.

La découverte, oui, mais pas n’importe comment 

D’après l’IFOP, 88 % des Français·es sont favorables à l’instauration de quotas ou de restrictions de visite sur certains sites emblématiques pour préserver l’environnement. Toutefois, les choix qui nous sont proposés à travers un certain nombre de publicités ou de contenus sur les réseaux sociaux – et vers lesquels nous avons tendance à nous tourner – peuvent être paradoxaux. Les flux touristiques sont, en effet, de plus en plus régis par les normes sociales ; à titre d’exemple, l’idée que le tourisme n’existe qu’à travers des lieux iconiques impératifs à visiter, souvent à l’étranger, est le fruit d’un imaginaire construit depuis les années 1950 par les acteurs économiques, notamment par le secteur aérien.

Aujourd’hui, selon une étude de Photobox, un voyageur français sur cinq a déjà fait la queue afin de prendre une photo d’un lieu « instagrammable ». Conséquence : en surexposant des destinations précises, les personnes ayant de l’influence créent des flux déséquilibrés. D’ailleurs, d’après l’OMT, 95 % des touristes mondiaux se concentreraient sur moins de 5 % des terres émergées ; nul doute que cette fréquentation déraisonnée use notre patrimoine et nos sites naturels. Ainsi, bien que cette mise en lumière permette à certaines destinations de profiter de leur popularité sur le plan financier, d’autres souffrent de cette force de frappe médiatique et des soudaines prises d’assaut qui ne leur laissent pas le temps de se préparer à la demande d’une vague importante de touristes.

Refuser l’immédiateté et la standardisation, c’est redonner du sens à ses vacances

Aujourd’hui, on peut réserver en ligne son prochain voyage à l’autre bout du monde en deux clics : prévoir un séjour à des milliers de kilomètres peut facilement générer un achat d’impulsion, qui ne permet pas toujours de prendre du recul sur ce que nous aimerions visiter, et ainsi de réfléchir à son impact environnemental et sociétal. Est-ce que l’enjeu, actuellement, ne serait pas de mettre autant de réflexion et de minutie pour commander un voyage que lors de l’achat d’un bien ou d’un service de valeur ? Est-ce que finalement, notre attention ne devrait-elle pas être portée davantage sur le choix du lieu, sa culture, l’aspect écoresponsable des infrastructures de transport pour s’y rendre et s’y déplacer, sur la manière dont on peut prendre part à la vie sociale de la destination, que sur l’enchaînement des visites touristiques massivement recommandées, au seul motif qu’elles sont, justement, massivement recommandées ?

Il y a aussi urgence à fuir la standardisation : nous sommes tous différents, avons tous nos propres goûts et sensibilités : cette injonction à devoir visiter des endroits prédéfinis quand on visite une région est donc dénuée de sens. Laissons chaque individu découvrir les lieux et décider d’en apprécier un plutôt qu’un autre. En tant qu’acteurs du tourisme et des médias, nous avons un rôle à jouer : le vrai bon conseil à donner, plutôt que d’encourager à visiter un village, est de visiter une région et de prendre le temps de la découvrir, de flâner, de parler avec les gens qui y habitent. Chaque personne est différente : elle aimera un village différent, tout simplement parce qu’elle y vivra des choses différentes.

Aller vers un tourisme du temps choisi

Pour faire face à ce phénomène, je pense qu’il est urgent de promouvoir un tourisme plus lent, un tourisme du temps choisi, peu émetteur de CO2, respectant l’écosystème du territoire d’accueil et synonyme de déconnexion et de sérénité. Face à des chiffres significatifs tels que ceux de l’ADEME, selon lesquels les transports liés aux vacances sont à l’origine des 3/4 des émissions de gaz à effet de serre du tourisme, nous devons agir pour un tourisme qui respecte l’environnement en encourageant aussi, par exemple, les consommateurs à voyager de manière locale et en utilisant les transports doux comme le train ou le vélo. Développons des manières de voyager égalitaires, qui réconcilient le prix avec le respect de la planète et de ses habitants. Regroupons nos idées pour rendre le tourisme plus responsable, bénéficiant aux voyageurs, à l’économie et au monde.

Ces prochaines années, tant qu’aucune solution ne sera trouvée pour limiter les émissions CO2 du transport aérien, il sera crucial de limiter ou réduire ses déplacements. Toutefois, je reste convaincu que les quatre grandes raisons de voyager sont le fait de se retrouver avec ses proches, de se reposer, de découvrir, mais aussi de rencontrer – des priorités qui ne sont souvent pas tributaires des déplacements en avion. Pour se retrouver avec ses proches, il est important de partir de chez soi ; mais pour se reposer, nul besoin d’aller loin ; pour découvrir, il faut sortir du postulat que tout le monde a envie de découvrir les mêmes choses ou sera émerveillé par les mêmes paysages ; pour se rencontrer, il faut vivre plus localement et au plus près des habitants.

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