Comme le secteur aérien, la croisière est en première ligne pour la transition vers un modèle plus vertueux. Mais les infrastructures sont parfois en retard. Le port de Marseille (photo) sera le premier en France à alimenter en électricité les bateaux à quai en…2025. CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
Le secteur s’engage avec volontarisme vers un tourisme plus responsable mais complexe à mettre en œuvre, ont constaté les acteurs réunis en nombre au «World for travel» à Nîmes. Les pratiques des touristes restent encore contradictoires, notamment chez les jeunes générations.
Les deux ans de pandémie et les cohortes de restrictions n’y ont rien changé : les voyages font toujours autant rêver. Et font plus que jamais recette, comme le montre le dernier baromètre de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Plus de 474 millions de touristes internationaux ont voyagé depuis le début de l’année 2022, dont 65% à destination de l’Europe. À ce jour, le secteur a déjà retrouvé près de 60 % des niveaux d’avant Covid. À une nuance près, et qui a son importance : les aspirations évoluent rapidement. Si les envies de plage et de soleil ne se démentent pas les questions environnementales, éthiques et sociales gagnent du terrain dans les préoccupations des voyageurs. Du moins, c’est ce qu’ils affirment. Cela se vérifie-t-il et le secteur du tourisme est-il en capacité de répondre à ces attentes ? Le sujet était au cœur du « A world for travel », qui s’est tenu les 27 et 28 octobre à Nîmes, où 400 décideurs internationaux des secteurs publics et privés, des universitaires et des experts ont partagé leur expertise à Nîmes. Il s’agissait de la deuxième édition de cet événement dédié à la transformation de l’industrie du tourisme.
À lire aussiÉcotourisme, train-bragging… Huit mots pour être incollable sur le tourisme durable
Les multiples paradoxes du voyageur
Les chiffres n’ont pas manqué pour tenter de cerner le phénomène. Parmi les études les plus intéressantes, citons celle réalisée par Google et la compagnie aérienne australienne Qantas, sur un échantillon de 17 000 personnes de six pays. Résultat ? 66% des voyageurs n’ont pas nécessairement choisi l’offre la moins chère, signe qu’ils seraient prêts à payer pour davantage de qualité. Et par qualité, ils entendent différents critères : une expérience « inspirante » et facile d’accès, un degré de confiance élevé envers les organisateurs du voyage, les lieux et communautés qu’ils vont visiter, et un voyage « durable ».
À lire aussiSeulement deux villes françaises intègrent le Top 10 du tourisme durable
Pour autant, ce dernier critère n’est pas encore décisif dans les choix de séjours, et en particulier chez les jeunes âgés de 18 à 25 ans. Si la conscience écologique est là, le comportement n’est pas nécessairement à la hauteur. Et le prix n’est pas la seule explication. Certains invoquent la complexité des 570 labels existants identifiés ? Le groupe hôtelier Radisson, qui exploite plus d’un millier d’hôtels dans une soixantaine de pays a fait ce constat : 73% de leurs clients disent vouloir réserver des séjours durables mais ne passent pas forcément à l’acte. La vice-présidente du groupe, Inge Huijbrechts, en charge notamment du business, préconise que « les actions concrètes deviennent plus visibles dans les établissements », un peu à la manière des produits bio dans les supermarchés.
À lire aussiATR, Pavillon bleu, Écolabel européen : comment y voir clair parmi les labels de tourisme durable ?
Croisière et aérien en mouvement
Parmi tous les secteurs présents, la croisière avait évidemment beaucoup à dire. Déjà perçu comme pollueur et vecteur du tourisme de masse, le secteur doit, sur le papier, composer en plus avec le critère de distanciation sociale hérité de la pandémie. Mais comment expliquer alors que les croisières attirent toujours autant de passagers, et ce dès l’annonce de leur reprise progressive après la parenthèse sanitaire ?
À lire aussiCroisières: le défi de se relancer en polluant moins
Selon Davide Triacca, directeur en charge du développement durable chez Costa Croisières, qui a promulgué une charte pour un tourisme durable et inclusif, toutes les conditions sont réunies pour une expérience de plus en plus qualitative. Et face aux critiques récurrentes que suscite l’arrivée de ces géants des mers dans les ports de France, d’Italie ou d’Espagne, il avance que « ce ne sont ni la volonté, ni les investissements du groupe qui font défaut », mais que « la technologie ne suit pas ». Il recense par exemple seulement 29 ports dans le monde qui fournissent aux bateaux de croisière à quai une alimentation électrique. Et aucun port en France à ce jour. Une première mise en service est prévue à Marseille d’ici 2025, avec un partage d’expertise de la part du croisiériste qui y accoste quasiment un jour sur deux. D’autres croisiéristes, comme le groupe français Ponant, dont la capacité des bateaux n’excède pas 200 passagers, affichent eux des taux de recyclage des déchets à bord de l’ordre de 60%, et ne distribuent à bord que de l’eau de mer traitée pour être consommable.
À lire aussiÀ Saint-Nazaire, MSC inaugure en grande pompe son nouveau géant le World Europa
Des efforts qu’il faut faire connaître et reconnaître auprès des voyageurs. Sanctionneront-ils réellement et durement ceux qui sont perçus comme gros pollueurs d’ici 10 ou 20 ans ? Outre la croisière, c’est l’avion qui est bien évidemment dans les esprits.
Le transport aérien pèse à ce jour pour 40% des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme, juste devant la voiture. Premier enseignement d’une étude européenne menée par le cabinet Roland Berger : les voyageurs veulent en majorité continuer à prendre l’avion mais ils sont demandeurs de progrès en matière d’environnement, de biocarburants et 90% des personnes interrogées se déclarent prêtes à y mettre le prix. De quoi encourager le secteur dans sa transition industrielle.