Comment le luxe prend ses marques dans le tourisme

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L’été de la vengeance. Voici comment les professionnels du tourisme qualifient la saison estivale 2022. Ce revenge travel, en VO, répond aux deux années de restrictions sanitaires qui ont paralysé un marché mondial estimé à 3,36 trillions d’euros (un trillion égalant 1 milliard de milliards) par l’Organisation mondiale du tourisme. Cette industrie, longtemps jugée un peu superficielle, emploierait néanmoins près d’un être humain sur dix sur la planète. La vigueur de sa reprise, qui devrait se traduire cette année par 70 % de l’activité enregistrée en 2019 – avant un retour à 100 % prévu en 2024 – rassure la majorité des professionnels, toujours inquiets pour l’avenir : « Ces deux mois d’été pourraient n’être qu’une parenthèse entre inflation, tensions géopolitiques, pénurie de personnel et reprise épidémique », redoute le patron d’un tour-opérateur, qui craint les effets dissuasifs sur la clientèle d’un chaos généralisé dans les grands aéroports européens.

Les ménages aisés ont accumulé une épargne plus importante pendant la crise sanitaire

Heathrow (Londres), Schiphol (Amsterdam), Faro (Portugal), Brandebourg (Berlin) : partout, des heures d’attente aux contrôles de sécurité, des bagages perdus, des vols annulés. « Le contrôle aérien en Europe subit les conséquences de la guerre en Ukraine », observe Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP (CDG et Orly). Malgré une grève des pompiers ce week-end et deux préavis pour ceux des 10 et 17 juillet, le dirigeant rappelle que Roissy-Charles-de-Gaulle vient d’être classé meilleur aéroport européen et sixième mondial par une récente étude.

De tous les segments d’un secteur hétérogène, celui du luxe bat tous les records. « Le revenge travel se traduit par une consommation accrue de produits haut de gamme. Les ménages aisés ont accumulé une épargne plus importante pendant la crise sanitaire », note un expert de l’OMT. En Europe, première destination touristique mondiale, selon l’étude consacrée au tourisme de luxe publiée par le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company le 17 mai 2022, ce marché représenterait 130 à 170 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Avec des clients qui dépensent huit fois plus que la moyenne : s’ils n’occupent que 2 % des structures, ils dépensent 22 % des recettes totales – et même 33 % de celles effectuées dans la culture, le divertissement et le shopping.

Une croissance longue et forte

Rien d’étonnant à ce qu’une proportion de plus en plus importante d’acteurs tente de s’imposer sur ce marché. Et certains pays, dont le Japon, ciblent délibérément les touristes disposant de revenus élevés. « Le haut de gamme fonctionne mieux, c’est vrai, reconnaît Jean-François Rial, fondateur de Voyageurs du Monde et président de l’Office du tourisme et des congrès de Paris. Le premier segment qui a repris à Paris, c’est le très grand luxe. Chez Voyageurs du monde, les réservations sont en hausse de 40 %. »

Un rebond d’autant plus notable compte tenu de l’absence des voyageurs asiatiques. Les Chinois, en particulier, ne voyagent toujours pas, à cause d’une quarantaine de plusieurs semaines imposée à leur retour. Pour la marque hôtelière Peninsula, dont le siège est à Hongkong, ce manque se fait sentir. Les touristes asiatiques représentent 10 % des clients du Peninsula Paris, avec un niveau de dépenses bien supérieur à celui d’autres nationalités : « Ils optent pour des séjours plus longs, réservent des suites plutôt que des chambres et disposent d’un budget élevé », détaille Vincent Pimont, directeur du Peninsula Paris, qui n’espère pas un retour de la clientèle chinoise avant la fin de cette année. Au Plaza Athénée ou au Lutetia, les taux d’occupation frôlent les sommets jusqu’en septembre, malgré des tarifs en hausse. « La clientèle américaine était revenue à Londres depuis quelques mois. Elle est maintenant à Paris », témoigne Jean-Pierre Trevisan, à la tête du Lutetia.

Le tourisme est l’une des rares industries à bénéficier d’une tendance de croissance longue et forte

Outre les palaces, le tourisme de luxe comprend une grande diversité de produits : « Il faut distinguer le luxe des prestations et le luxe classique. Celui un peu “bling” de celui plus authentique, voire insolite, estime Jean-François Rial. Dans les deux cas, les prix sont élevés, mais l’expérience n’est pas la même. » Or l’expérience – qui permet de conquérir une clientèle avide de rareté et généreuse dans ses dépenses – devient un Graal convoité par de plus en plus d’acteurs. À l’image du géant du luxe LVMH, propriétaire de la marque hôtelière Cheval Blanc et du groupe Belmond, qui exploite entre autres le train mythique Venise-Simplon-Orient-Express. « Le tourisme est l’une des rares industries à bénéficier d’une tendance de croissance longue et forte. Son attractivité augmente d’autant », juge Jean-François Vial. 

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