17h02
, le 16 août 2022
Les Calanques du Sugiton et de Niolon à Marseille, l’île de Porquerolles, le refuge du Goûter sur le Mont-Blanc, les îles Lavezzi en Corse… En France, ces lieux célèbres sont pris d’assaut par les touristes, notamment l’été. Fragiles et bondés, ils font désormais l’objet de quotas pour limiter le nombre de visiteurs par jours. L’objectif est d’éviter la dégradation de ces environnements naturel, tout en permettant l’accès à ces sites remarquables. Quand la décision est concertée avec les acteurs locaux, elle est plutôt bien acceptée. Mais n’est-ce pas la dernière des solutions ?
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Pour Julien Buot, directeur de l’association Agir pour un Tourisme responsable rassemblant des opérateurs de voyages, c’est un « aveu d’échec ». « Si tous les acteurs de la chaîne de gestion et de promotion touristique sont compétents et responsables, normalement les quotas ne devraient pas exister. On devrait pouvoir aménager les sites pour accueillir du volume en conséquence et le réguler d’autres manières. Souvent, il est trop tard et par défaut on restreint l’accès », déplore-t-il.
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Dans certains endroits, un touriste par jour cela peut déjà être trop
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« Dans certains endroits, un touriste par jour cela peut déjà être trop, nuance le professionnel du secteur. Mais dans d’autres lieux, 10 000 personnes peuvent être accueillies par jour sans problème, à partir du moment où on a travaillé sur une stratégie de développement durable, concertée avec les acteurs locaux, les ONG, les élus, les touristes. Et qu’on a pu aménager le site en conséquence ». Il déplore sur le sujet le manque de données scientifiques pour évaluer l’impact de la fréquentation touristique sur certains lieux, mais aussi le manque de politiques de tourisme cordonnées. « On met beaucoup de moyens pour promouvoir mais une fois que les touristes viennent en nombre, on n’a plus les moyens pour gérer ce flux ».
D’autres solutions
« Les quotas sont une solution radicale, qu’il faut parfois mettre en place dans certains cas mais ce n’est pas la première chose qu’on va essayer de mettre en place pour réguler les flux », temporise-t-on au sein du Réseau Grand Sites de France, association qui regroupe 47 sites labellisés ou en projet. Les sites peuvent, par exemple, encourager à l’allongement de la période de visite : plutôt qu’une journée sur place, les voyageurs peuvent par exemple rester dormir et ainsi découvrir le territoire autrement, prendre le temps d’aller à la rencontre des acteurs locaux ou participer à d’autres activités. Une définition qui se rapproche de celle du « slow tourisme ». Les horaires d’ouverture et le périmètre géographique peuvent être également élargis pour mieux répartir les flux. Enfin, l’aménagement de l’espace, la médiation humaine ou encore la signalétique peuvent être des appuis tout comme une réflexion particulière sur les modes de déplacements : parkings éloignés, comme à la Dune du Pilat, navettes gratuites comme dans les gorges de l’Hérault, mobilité douce grâce à des vélos ou à des sentiers de randonnées…
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La communication a aussi un rôle important à jouer pour préserver les espaces ou orienter au mieux les voyageurs, tout en tenant compte de l’impact économique du tourisme et en respectant le ressenti des habitants. Parfois certains territoires vont jusqu’à opter pour du « démarketing » en ne communiquant plus sur leur site touristique. À Étretat par exemple, où les falaises prises d’assaut par les touristes s’effritent, les institutions locales se sont accordées pour communiquer sur la Côte d’Albâtre, afin d’encourager les voyageurs à aller visiter d’autres villages patrimoniaux. Dans les Hauts-de-France, le choix a été fait de cesser de communiquer sur le Grand Site des Deux Caps, caps Gris-Nez et Blanc-Nez.
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Instagram a beaucoup d’impact sur les voyages
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Mais tout n’est pas toujours sous contrôle. Les influenceurs, qui postent des images de paysages qui semblent vides, ont un impact sur la fréquentation de certains sites. « Sur des images fantasmées, qui sont largement relayées, on ne sait pas trop encore quel serait la meilleure stratégie. Et c’est l’un des gros enjeux des années à venir », explique-t-on au sein du site Réseau des Grands sites de France.
« Instagram a beaucoup d’impact sur les voyages, abonde Julien Buot. Mais on peut utiliser ces outils pour en faire des armes contre le surtourisme, au profit de meilleures expériences à proposer aux clients. » Il voit dans l’aspiration à un autre tourisme, plus doux, une opportunité pour les agences de voyage, dont le rôle est amoindri par les plateformes de réservation d’hébergement entre particuliers et le tourisme individuel. « À elles de se démarquer en n’amenant pas un client dans le mauvais lieu, à la mauvaise heure. »
Guide des bonnes pratiques
Cependant, les sites trop fréquentés ne sont pas la majorité veut rappeler Julien Buot. « 90% du territoire en France est sous-fréquenté 90% du temps », ajoutait par ailleurs Didier Arino, directeur de Protourisme, cabinet de conseil spécialisé, dans Le Figaro
. Et des initiatives en ce sens se multiplient. ADN Tourisme, fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme née en 2020, organise par exemple un « challenge des territoires insoupçonnés » pour valoriser des territoires qui ne souffrent pas de la « surfréquentation » et qui favorisent la mobilité douce, un impact carbone limité et une participation à la vie locale.
Le Réseau Grand Site de France, en partenariat avec la Direction Générale des Entreprises et le ministère des Affaires étrangères, planche également depuis deux ans sur un projet de guide pratique et méthodologique des bonnes pratiques à mettre en œuvre en matière de gestion durable de la fréquentation. Un ouvrage à destination des sites labellisés par le Réseau mais aussi de tous les territoires qui pourraient être confrontés à la problématique. Un grand séminaire sur le sujet est attendu à Paris au printemps prochain.