C’est le dilemme du moment. D’un côté, le tourisme a permis «la création d’un commun culturel de la population mondiale grâce à la rencontre. […] Rencontre de l’autre, acceptation de ses différences, création d’un habitus commun, tout cela est contenu dans le voyage.» Le voyage est donc au cœur de ce qui constitue aujourd’hui notre humanité. D’un autre côté, «peut-on encore voyager si l’on veut préserver la planète?». Les termes du débat sont ainsi posés par le sociologue Jean Viard et le directeur de l’Observatoire des médias de la Fondation Jean-Jaurès, David Medioni, dans L’ An zéro du tourisme (1).
(1) L’ An zéro du tourisme. Penser l’avenir après la Grande Pandémie, par Jean Viard et David Medioni, L’ aube, 168 p.
Les auteurs jugent que l’après-crise sanitaire est un moment opportun pour réinventer une autre façon de voyager. Est-ce réaliste? La première saison touristique post-Covid, qui a renoué avec les standards de celles d’avant, tendrait à l’infirmer.
Jean Viard et David Medioni sont bien conscients que «l’enjeu est de réinventer sans détruire», le secteur du tourisme étant devenu économiquement crucial pour de nombreux pays et populations. Aussi prônent-ils des solutions mesurées comme une certaine réglementation des vols low cost, la sanctuarisation de certains lieux et, surtout, l’usage de la régulation numérique comme outil de gestion. «Le problème du tourisme, jusqu’à aujourd’hui, c’est qu’il est toujours et uniquement envisagé comme un flux», analysent les auteurs. Ils plaident donc avec insistance pour l’avènement d’une «politique culturelle du tourisme», nationale, européenne, voire mondiale. «Tant que le tourisme restera envisagé comme la gestion d’un flux qu’il faut accroître à tout prix, alors il abîmera la planète… et sera voué à finalement disparaître.»