Ces derniers jours, vous avez probablement vu passer de nombreux titres trompeurs (pour ne pas employer de terme plus trivial) annonçant une reprise du tourisme au Japon le 10 juin.
C’est faux.
Ou en tout cas, c’est une entourloupe tellement pernicieuse qu’elle nous permet d’affirmer sans fard que Fumio Kishida, le Premier ministre japonais, a menti à la face du monde lorsqu’il jurait-crachait lors d’un déplacement à Londres début mai que l’archipel allait “aligner ses restrictions aux frontières sur celles des autres pays du G7”.
Ainsi, le Japon est devenu lui-même le “clou qui dépasse” qu’il honnit tant.
Faisons donc le point sur les réelles avancées et perspectives pour aller visiter le Japon ces prochains mois.
👨👩👧👦 Qui peut entrer au Japon depuis mars 2022 ?
Rappelons que depuis le 1er mars, tous les visas en-dehors des touristes sont à nouveau acceptés au Japon :
- étudiants courte et (surtout) longue durée ;
- professionnels, stagiaires, associatifs, artistes et même PVT sous sponsors ;
- époux/ses et familles de résidents japonais.
Depuis cette réouverture il y a un peu plus de 3 mois, des centaines de milliers d’étrangers sont entrés au Japon et la courbe des nouveaux cas de Covid 🦠 n’a cessé de chuter.
Par ailleurs, de manière assez ironique, la grande majorité de ces voyageurs de courts séjours (moins de 3 mois) se voient délivrer sur leur passeport des tampons “temporary visitors” qui ne sont autre que des visas touristes déguisés :
De 5.000 initialement, le nombre maximum d’entrées quotidiennes au Japon est passé à 10.000 depuis le 10 avril.
À titre de comparaison, la moyenne tournait plutôt autour des 100.000 par jour en 2019, pré-Covid, avec des pointes à près de 300.000 en avril et juillet. Mais les Chinois, Hong-Kongais et Taïwanais, désormais quasiment interdits de sortir de leur territoire, y comptaient pour 45% (et la France pour 1%).
🚶 Les circuits-tests du 24 mai au 4 juin
Pendant une dizaine de jours entre fin mai et début juin, des circuits de tests se sont tenus au Japon comme une 1ère phase de préparation à la reprise du tourisme.
Leurs conditions étaient drastiques :
- 50 professionnels du tourisme (parfois d’origine japonaise) triple-vaccinés, répartis en 15 groupes ;
- en provenance de 4 pays seulement : États-Unis (Hawaï), Australie, Singapour et Thaïlande ;
- quelques jours d’un voyage pré-organisé et encadré en permanence ;
- seulement 12 des 47 préfectures du Japon y participaient (Ishikawa, Nagano, Fukuoka, Tochigi, Iwate, Yamagata, etc. mais pas Tokyo, Osaka, Hokkaido ou Okinawa) ;
- gérés exclusivement par seulement 2 agences de voyages japonaises proches du pouvoir ;
- obtention pour chaque voyageur d’un visa exceptionnel en amont ;
- prise de température quotidienne s’accompagnant de tests antigéniques réguliers.
Ce dernier point a d’ailleurs conduit à arrêter net l’un des tours : 1 des 4 Thaïlandais d’un groupe a été testé positif au bout de 5 jours de voyage (il a donc pu attraper le Covid directement au Japon) et l’ensemble des voyageurs s’est immédiatement retrouvé en quarantaine.
🚦 Ce qui a changé le 1er juin
1️⃣ Le quota journalier d’entrées autorisées, qui continue à augmenter, est passé à 20.000 personnes.
2️⃣ Une liste des pays du monde a été établie, avec pour chaque groupe des conditions d’entrée simplifiées :
- 🔵 bleu (80% des voyageurs – 98 pays dont l’ensemble de l’Europe et bien sûr la France) :
- pas de test Covid à réaliser à l’atterrissage
- pas de quarantaine même pour les non-vaccinés !
- 🟡 jaune (une autre centaine de pays) :
- pas de test Covid à réaliser à l’atterrissage
- pas de quarantaine pour les vaccinés / quarantaine à domicile pour les non-vaccinés
- 🔴 rouge (Albanie, Sierra Leone, Pakistan, Fiji) :
- test Covid à réaliser à l’atterrissage
- quarantaine de 3 à 7 jours dans un hôtel du gouvernement, même pour les vaccinés
Le test PCR négatif 72h avant le départ reste, lui, indispensable dans tous les cas.
3️⃣ Les personnes fiancées (voire les concubins) peuvent théoriquement prétendre à un visa mais dans les faits, cela reste tellement long et alambiqué que même les Ambassades / Consulats s’y perdent et ne savent pas comment s’y prendre.
Il apparaît presque plus sage d’attendre pour entrer comme un touriste lambda.
Par ailleurs, le masque 😷 n’est désormais plus recommandé en extérieur, notamment par crainte des coups de chaleur, mais la pression sociale fait que la population a encore un peu de mal à s’en séparer. Toutefois, le gouvernement japonais croit bon de prévenir les “mauvaises manières” des étrangers et insiste sur la nécessité pour eux de bien suivre les règles.
🚧 Les allègements en trompe-l’œil du 10 juin
Cette fameuse réouverture du tourisme du 10 juin n’est en réalité qu’une extension à tous les pays bleus de ces tours “à la nord-coréenne”, tout juste édulcorée.
Les allègements annoncés, plutôt timides, n’offrent donc que peu d’améliorations concrètes pour une grande majorité de voyageurs.
Jugez plutôt :
- le voyage est toujours pré-organisé et guidé 24h/24, 7j/7 (le guide doit partager avec vous tous les repas du séjour et l’agence est responsable de vos déplacements) ;
- le masque est obligatoire en permanence, même à l’extérieur, sinon les voyageurs ne peuvent pas sortir de l’hôtel voire seront raccompagnés à la frontière ;
- le respect des distanciations sociales ainsi que l’évitement des lieux les plus fréquentés et des heures de pointes (transport, restauration) ;
- une assurance médicale est exigée et toute infection Covid doit être signalée immédiatement (signant bien sûr la fin du séjour pour le malade et ses cas-contacts), jusqu’à 7 jours après la fin du voyage ;
- un reporting complet du séjour doit être conservé par l’agence (y compris les places exactes où chaque voyageur a mangé et s’est assis dans les transports) pour pouvoir être soumis à l’immigration en cas de contrôle ;
- des recommandations comportementales infantilisantes sont délivrées par l’Office national du tourisme japonais.
Certes, quelques assouplissements restent appréciables :
- il n’y a plus de restriction par préfecture, l’ensemble du Japon est accessible aux voyageurs ;
- n’importe quelle agence agréée peut organiser le séjour, même en-dehors du Japon ;
- le guide n’a plus besoin d’être un guide-interprète hors de prix, désormais la simple certification d’accompagnateur national suffit (mais elle reste indispensable et coûteuse) ;
- les voyageurs peuvent réserver eux-mêmes leurs vols et hôtels 🏨 ;
- il n’y a plus de visa nécessaire mais l’agence garante doit déposer une déclaration individuelle préalable sur la plateforme ERFS afin d’obtenir un numéro d’identification à fournir à l’immigration pour entrer au Japon.
Toutefois, ils ne compensent pas suffisamment la rigueur globale de ces circuits.
Tout le monde comprendra ainsi, à la lecture de ces conditions, qu’il ne s’agit pas d’une véritable reprise touristique, mais d’une manigance sémantique visant à faire gagner du temps d’ici aux critiques élections parlementaires du 10 juillet, dont la campagne démarre le 22 juin.
Si toutefois ces consignes vous semblent acceptables, n’hésitez pas à contacter votre agence de voyages agréée pour réserver votre voyage car les places seront limitées au nombre de guides disponibles cet été.
🛂 Quand pourront entrer les touristes sans contraintes ?
C’est l’éternelle question. Nous estimons que cela sera possible à partir de septembre, en fonction de la poursuite des pressions (internes et internationales) ainsi qu’évidemment de la situation sanitaire.
Nous l’expliquions d’ailleurs dès début mars :
Pour être tenu(e) informé(e) le jour-même de cette annonce de réouverture des frontières au tourisme libre, n’oubliez pas de vous inscrire gratuitement à la newsletter Kanpai :
Pour juillet, 2 points sont déjà quasiment acquis :
- le quota d’entrées quotidiennes augmentera à 30.000 (un chiffre enfin raisonnable pour un début de reprise touristique) et pourrait même être supprimé ;
- la campagne de subvention du tourisme domestique GoTo Travel ferait son retour (peut-être même dès fin juin) mais sous un autre nom.
En attendant, les stars, elles, n’ont pas besoin de patienter :
- Tom Cruise a rencontré ses fans japonais avec un grand sourire non masqué ;
- cet été, les festivals de musique au Japon accueilleront une foule compacte lors de la venue de chanteurs comme Halsey, Post Malone ou encore Megan Thee Stallion (mais le Fuji Rock Festival, lunaire, réclame le port du masque, la distanciation et de ne pas crier pendant les concerts !).
Ce satané calendrier existe donc au mépris de toute logique aussi bien scientifique qu’économique mais par pur agenda politique du clan Kishida dans le parti au pouvoir.
À ceci près que désormais, plus des 2/3 de la population nipponne sont favorables à la réouverture des frontières.
Tic, tac…