Métavers, un pas de plus vers le tourisme de demain ? – Partie 1

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Le numérique est omniprésent dans notre quotidien, notamment avec l’essor de nouvelles technologies de plus en plus immersives et sophistiquées. Si la réalité virtuelle, la réalité augmentée ou encore l’intelligence artificielle ont révolutionné l’usage que nous faisons de la technologie et ont su se faire une place dans de nombreux secteurs d’activités comme le tourisme et l’hospitality, qu’en sera-t-il du métavers ? Alors que ce nouvel univers immersif est encore en cours de développement, son impact est déjà bel et bien présent sur notre industrie. Comment impactera-t-il le secteur sur le moyen et long terme ?

Un buzz word toujours aussi tendance

Le métavers a été l’un des mots le plus entendus lors de l’année 2022 et sa « hype » ne devrait pas redescendre de sitôt aux vues de l’engouement qu’il génère. Néanmoins d’après Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, seulement 20% des Français savent exactement ce que c’est et 17% l’ont déjà expérimenté, principalement de jeunes hommes. Partant de ce constat, peut-on suggérer que ce nouveau web ne sera utilisé en réalité que par un faible pourcentage de la population mondiale ?

Rien n’est moins sûr puisque selon le cabinet d’étude Gartner, 25% des personnes passeront au moins une heure par jour dans le métavers pour travailler, faire des achats, s’instruire, accéder aux réseaux sociaux et/ou se divertir d’ici 2026.

Une autre étude mené par Technavio démontre que la taille du marché mondial du métavers dans l’industrie du voyage et du tourisme est estimée à 188,24 milliards de dollars entre 2021 et 2026, avec un taux de croissance annuel composé de 26,01% au cours de la période de prévision. L’Amérique du Nord représentera par ailleurs une part de 37% de la croissance du marché mondial.

L’avenir sera-t-il donc constitué de personnes passant davantage de temps connectées et immergées dans le métavers plutôt que dans le monde physique ? Pas nécessairement selon José Ramón Ubieto, psychanalyste et maître de conférences à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UOC. En effet, il considère que l’arrivée de ce monde hybride entre le physique et le numérique démontrera l’importance du présentiel et que toutes ces nouvelles technologies « favoriseront la socialisation, la compagnie en cas de solitude non désirée, l’apprentissage, le divertissement, etc. ».

Par ailleurs, le monde de l’apprentissage s’intéresse de plus en plus au métavers, à l’instar de l’école Excelia qui a proposé à ses élèves de 3e année du Bachelor Tourism & Hospitality Management un cours se déroulant entièrement dans le métavers asynchrone « Red Alert ! ». Les étudiants se retrouvaient ainsi aux commandes d’un complexe hôtelier et devaient gérer une situation de crise dans le respect de la réglementation et des procédures d’intervention précédemment étudiées en cours.

Parallèlement, le groupe Meta (anciennement Facebook) a lancé ses toutes premières Académies du Métavers dans plusieurs grandes villes françaises. L’objectif étant d’ouvrir les métiers du métavers à des profils très diversifiés et pallier au manque de candidats pour bâtir un métavers inclusif et social in fine. Le groupe investirait plus de 3 milliards de dollars par trimestre dans le métavers et la formation en fait partie.

Quelle utilité pour le secteur du tourisme ?

Le métavers se généralisera tôt ou tard mais une question demeure sur toutes les lèvres, que peut-il apporter au secteur touristique ? D’après Sophie Lacour, Directrice générale d’Advanced Tourism, « le métavers ne sera pas un substitut au tourisme, mais un support » permettant ainsi l’émergence de nouvelles offres, soit en complément de celles existantes ou alors d’offres uniquement viables dans un environnement numérique.

Un sentiment partagé par Diego Heredia, Head of Corporate Strategic Projects chez Amadeus, qui explique que le métavers pourrait compléter et ouvrir de nouveaux moyens de profiter de l’expérience du voyage. A terme, ce dernier pourrait devenir un nouveau canal de distribution proposant des voyages physiques ou mixtes, avec des leviers d’inspiration et de recherche plus personnalisés, grâce à des informations en temps réel et des données enrichies. Cette méthode deviendra de plus en plus populaire comme moyen d’essayer des articles plus coûteux tels que les croisières de luxe selon le dernier rapport d’Amadeus. 

Peut-être qu’un voyage réel en Égypte pourrait être accompagné d’un voyage virtuel dans le temps, à l’apogée de l’ancienne civilisation égyptienne ? Ou pourquoi ne pas réserver un voyage sur la lune ? 

Diego Heredia, Head of Corporate Strategic Projects, Amadeus

En effet, le métavers pourrait entre autres être utilisé pour planifier ses vacances, voire les tester en avance. C’est en tout cas ce que souligne la dernière étude menée par Booking dans laquelle 43% des personnes interrogées déclarent vouloir utiliser la réalité virtuelle pour planifier leurs vacances tandis que 35% d’entre elles aimeraient réserver l’année prochaine une expérience de réalité virtuelle de plusieurs jours qui remplacerait leurs options de vacances habituelles.

En outre, 4 574 des personnes interrogées ont déclaré qu’elles ne se rendraient dans un nouveau lieu que si elles l’avaient déjà expérimenté virtuellement. Nombreux sont ceux qui voient les avantages potentiels, notamment la possibilité de visualiser des chambres d’hôtel, des espaces de congrès, des restaurants et des attractions, ainsi que la possibilité de poser des questions et de prendre des dispositions de manière virtuelle.

L’enquête a également révélé que les jeunes générations, en particulier les générations Y et Z, étaient plus susceptibles d’envisager d’utiliser le métavers pour planifier leur voyage. Une information non négligeable puisque selon le think tank de Digital Tourism, 40% des consommateurs actuels de l’industrie touristique sont issus de la génération Z. Une génération qui par ailleurs exprime de nouveaux besoins et exigences auxquels pourraient répondre le métavers. De plus, étant « digital natives », les personnes de cette génération ne dissocient plus vraiment le réel du digital et sont donc tout à fait à l’aise avec l’idée de vivre une expérience touristique qui conjugue les deux.

Toutefois, malgré le potentiel des expériences de voyage virtuelles, 64% des personnes interrogées pensent toujours qu’une visite en personne est nécessaire pour rayer une destination de leur liste de souhaits.

Visiter des destinations depuis son salon

Ce n’est plus un secret, de nombreuses destinations font leur entrée sur le métavers depuis quelques temps. L’une des premières à avoir franchi le pas étant la ville espagnole de Benidorm, à travers le lancement de « Benidorm Land », le métavers qui reproduit en réalité virtuelle les 1,8 km de la plage de Levante. Le métavers est le nouvel engagement de Visit Benidorm pour attirer les touristes sur le long terme, entre 5 et 10 ans, entre les générations Z et Alpha, « très habituées à ces environnements virtuels à travers les jeux vidéo ».

L’Espagne semble tout particulièrement intéressée par cette nouvelle avancée technologique puisque la ville de Malaga sera également bientôt présente dans le métavers. En effet, grâce à l’installation de plus de 200 caméras dans l’enceinte de la ville, « Malaga commence à être dans les différents métavers qui existent ». Jonathan Gómez, directeur général du tourisme et de la promotion de la ville, souligne qu’ils vont encore plus loin en créant notamment « un jumeau numérique du centre-ville, afin que les gens puissent, par exemple, découvrir la Malaga de Picasso tout en racontant la vie de l’artiste, avec une capacité de 15 000 personnes à la fois. Le Musée Picasso sera aussi dans le métavers, avec toutes les autorisations des collections ».

AlUla, une destination touristique relativement récente d’Arabie Saoudite, fait également ses premiers pas dans le métavers avec un modèle 3D à l’échelle et complètement immersif de la tombe de Hegra de Lihyan, fils de Kuza, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Créé dans le paysage numérique de Decentraland, le monument AlUla sera accessible aux touristes virtuels qui pourront l’explorer de n’importe où dans le monde. Il est devenu le premier site du patrimoine mondial de l’UNESCO dans le métavers. Les visiteurs virtuels pourront notamment accéder à des parties du site qui ne sont pas accessibles aux visiteurs du monde réel. 

L’entrée de RCU dans le métavers est un développement révolutionnaire dans l’innovation et le tourisme de réalité virtuelle qui relie le monde entier aux merveilles d’AlUla. Une nouvelle frontière pour l’innovation et la collaboration, nos débuts, qui voient également le premier site du patrimoine mondial de l’UNESCO entrer dans le métavers, représentent une évolution passionnante du patrimoine unique d’AlUla, agissant comme une invitation ouverte aux voyageurs, universitaires et explorateurs numériques à se connecter et assistez à AlUla comme jamais auparavant. 

Amr AlMadani, directeur général de la Commission royale pour AlUla (RCU)

Si le métavers permet de découvrir des lieux ou des parties de lieux inaccessibles dans le vrai monde, il permet également de visiter des sites qui n’existent plus. Une opportunité que souhaite saisir l’archipel des Tuvalu, situé dans l’océan Pacifique, qui est menacé de submersion d’ici 2100, en créant son jumeau numérique dans le métavers pour conserver une existence, même virtuelle. Si le métavers ne remplacera jamais entièrement les voyages, il permet toutefois de découvrir des lieux qui ne sont plus accessibles ou qui n’existent plus. Les visiteurs du futur pourront donc se « souvenir de Tuvalu tel qu’il est, avant qu’il ne disparaisse ».

Il existe autant d’utilisation du métavers qu’il existe de variété de destinations touristiques à travers le monde. S’il n’entend pas remplacer définitivement les séjours dans le monde réel, il constitue une vraie alternative ainsi qu’un complément des plus utile pour des territoires qui pourraient l’utiliser pour accroitre leur visibilité et faire connaitre leurs richesses. Reste à voir quels usages en feront les voyageurs du futur.

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