Relancé par la pandémie de Covid-19, un tourisme plus respectueux de l’environnement et des populations gagne du terrain. Directeur de l’association et du label de voyagistes Agir pour un tourisme responsable, Julien Buot explique pourquoi il est urgent de voyager moins mais mieux.
Après de longs mois de privation, les Français ont redécouvert cet été le plaisir de voyager. Mais à l’heure où le tourisme retrouve des couleurs, l’urgence liée au réchauffement climatique impose aux professionnels comme aux clients, d’adopter des comportements plus écoresponsables. Explications de Julien Buot, directeur de l’association de voyagistes Agir pour un tourisme responsable.
Madame Figaro.- En quoi consiste le tourisme responsable dont on entend de plus en plus parler ?
Julien Buot.- Cela consiste à préserver les ressources. Pour que le tourisme perdure, il faut que les destinations continuent à être attractives en termes de qualité des paysages, et de qualité environnementale. Sur le plan économique et social, il faut faire en sorte que les gens continuent d’être accueillants et donc, qu’ils soient associés au développement touristique, dont ils doivent être aussi bénéficiaires. C’est un intérêt bien compris de toutes les parties prenantes, y compris des voyageurs, que de faire attention à ce que l’on puisse continuer à voyager demain. Il faut donc être responsable pour que ce soit durable et que cela reste accessible au plus grand nombre.
Est-ce que «voyager durable», c’est voyager moins souvent, moins loin ou avec moins de confort ?
Sans parler de décroissance, nous défendons l’idée de voyager mieux. Ça peut vouloir dire voyager moins souvent, moins loin ou plus longtemps. Cela n’empêche pas d’aller à l’autre bout du monde, mais avec des tour operateurs qui ont optimisé leur impact, et qui garantissent que le voyage proposé sera extraordinaire en termes d’expérience vécue pour le client. Il y aura toujours des impacts négatifs, notamment celui du bilan carbone, mais on peut corriger ces vices, par exemple via le financement de programmes de solidarité climatique et de contribution carbone. Plutôt que de faire une course à la consommation d’expériences, il faut refaire du voyage quelque chose d’exceptionnel.
“Tourisme responsable = meilleures vacances”
Est-ce que les consommateurs vous semblent prêts à cette nouvelle philosophie du voyage ?
Selon un sondage Ifop d’avril 2021 sur les Français et le tourisme durable, 80% des sondés pensent que c’est aux professionnels de s’engager sur la réduction de l’impact environnemental du tourisme. 61% déclarent aussi que la préservation de la nature est devenue une préoccupation plus importante depuis la crise du Covid-19. Cela démontre qu’il y a eu un effet Covid dans la prise de conscience, et qu’il est urgent de penser ses vacances autrement. En 2016, nous avions réalisé un sondage sur 7000 de nos clients qui démontrait déjà une certaine maturité sur ce sujet. Globalement, pour la majorité d’entre eux, le tourisme responsable est associé à de meilleures vacances.
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“Le serment islandais”
Existe-t-il des destinations plus vertueuses que d’autres ?
Oui, tout à fait. Je pense notamment à l’Islande, où le tourisme a explosé ces dix dernières années. Il y a cinq ans, ils ont pris une mesure intéressante appelée le «serment islandais». Ce dernier consiste à sensibiliser le visiteur en lui demandant de prêter serment et de s’engager à adopter un certain nombre de gestes écologiques. Depuis on a constaté que d’autres destinations ont pris ce virage-là, comme la Nouvelle-Zélande et certaines îles en Indonésie.
Quelles sont les tendances du voyage à l’ère post-Covid ?
Avec la pandémie, iI y a eu une relocalisation des destinations, avec les voyages de proximité. Mais cette tendance relève surtout des contraintes imposées par le Covid-19. Cela a permis aux consommateurs de vivre de très belles expériences près de chez eux. En tant que professionnels, nous sommes assez réservés sur cette vague de la relocalisation. Toutefois si on veut que demain, le voyage lointain devienne 100% responsable et exceptionnel, on ne pourra pas y couper. Les gens ne vont pas se contenter de voyager tous les trois ou cinq ans, il faudra bien ponctuer ces séjours au bout du monde, de petites expériences de proximité. Le développement et l’ancrage local des entreprises du voyage, c’est aussi ça le tourisme responsable.
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Votre association est à l’origine de la Charte éthique du voyageur. Contrairement à ce que l’on imagine, ses principes sont assez peu de contraignants pour les touristes. Pourquoi ?
Même si le voyageur pense que sa responsabilité est limitée, il est bien un acteur de cet engagement, principalement au travers de ses comportements vis-à-vis des populations et de l’environnement. Il peut aussi s’impliquer en s’informant sur les différents labels écotouristiques existants, pour le choix de son hébergement notamment. Mais pour nous, ATR, association de professionnels, ce qui doit être le plus contraignant, c’est le cahier des charges que l’on exige de nos membres labellisés. Enfin, il ne faut pas oublier que les réglementations et l’aménagement des sites touristiques relèvent des collectivités locales. Elles ont donc un rôle important à jouer dans la régulation du tourisme.