Avant la crise sanitaire, on estimait que le tourisme était responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, d’après une étude de l’université australienne de Sydney. Ce constat intègre autant l’empreinte carbone de l’hébergement que la restauration et surtout les déplacements.
Anna Veyrenc, responsable du Welcome City Lab, une plateforme d’innovations dédiées au tourisme, accompagne de grands groupes publics et privés pour inventer le tourisme de demain.
- Parmi toutes les start-ups que vous accompagnez, la question climatique est-elle centrale dans leur business modèle ?
Depuis ces deux dernières années, la prise de conscience est réelle. L’innovation sur le sujet environnemental n’est pas encore majoritaire mais la thématique progresse de plus en plus. Dans notre appel à candidatures, qui permet d’accompagner ces nouvelles entreprises dans le monde du tourisme, nous avons imposé un critère qui impose à chaque dossier une réflexion sur la question environnementale. Ces entreprises doivent réfléchir à l’impact de leur activité tant sur le plan écologique que social. Nous souhaitons aussi accompagner les entreprises dont l’ADN n’est pas en lien avec les questions environnementales justement pour les pousser à se former et à y être davantage sensibles. Il s’agit de sensibiliser à l’impact du transport mais à celui du numérique aussi, dont on parle rarement dans le tourisme. Or, pour réserver ses vacances et se repérer sur place ou gérer sa réservation, le digital est devenu indispensable.
La question de la sobriété doit aussi se poser : a-t-on vraiment besoin d’un casque de réalité virtuelle pour visionner une chambre d’hôtel avant de réserver ? A chaque fois que l’on développe une nouvelle solution numérique, il faut mesurer le véritable bénéfice que cela apporte au voyageur par rapport à l’impact écologique que cette innovation peut avoir. Sur ce point, une tendance est en train de monter : le low tech. Cela consiste à se remémorer comment les anciens faisaient pour aboutir à tel ou tel objectif dans le but de ne pas faire appel au digital.
- La mobilité constitue un autre enjeu majeur pour le secteur touristique. Quelles sont les solutions qui vont transformer le voyage sur cette question ?
Sur ce point, le voyage d’affaires doit se réinventer. On connaît encore des employeurs qui demandent à leurs employés de rejoindre Montpellier en avion. Même si la crise sanitaire nous a appris à maîtriser les réunions en visio, certains réflexes sont revenus et des salariés se déplacent en avion pour une seule journée afin de signer un contrat. Une start-up au nom de The Treep propose aux agences de voyage d’affaires de calculer l’empreinte carbone d’un déplacement afin de comparer plusieurs options : avion+taxi, ou hôtel+train… Dans le tourisme, on parle beaucoup de l’aérien mais il faudrait revoir aussi l’usage de la voiture. Une appli baptisée Taxymatch propose ainsi de partager une course en taxi professionnel pour réduire l’impact environnemental de son déplacement. A de multiples endroits, le dernier kilomètre est un vrai souci. C’est pourquoi, un système basé sur des taxis-vélos est en train de se développer.
Il faut aussi améliorer l’inter-connectabilité entre les moyens de transport à différents endroits afin de faire connaître la possibilité de prendre un vélo ou un train à la sortie d’une gare ou d’un aéroport. Même en France, c’est très compliqué d’obtenir l’information lorsque l’on voyage dans des zones reculées. Le pari est mondial sur ce sujet. Enfin, n’oublions pas l’aérien en évoquant l’enjeu qui consiste à mieux remplir les avions. Il faudrait pouvoir identifier les sièges restants moyennant une réduction par exemple si l’on accepte de retarder son départ de deux jours.