« J’étais comme Jules César ! Ave, Maxime ! Ça m’a sorti de ma zone de confort parce qu’habituellement, je contrôle mon fauteuil… Sauf que là, je devais donner des directives aux gens qui me portaient. »
Publié à 11h30
Maxime Plante-Morin me parle avec enthousiasme de sa première excursion en joëlette, un fauteuil monoroue qui permet aux individus à mobilité réduite de faire des randonnées. Il suffit qu’une personne tienne l’avant de l’embarcation et une autre, l’arrière pour que tout terrain devienne accessible.
Maxime, lui, pouvait compter sur une quinzaine de randonneurs qui arpentaient ce jour-là un mont de Saint-Mathieu-du-Parc.
« J’ai adoré ça ! Mon seul bémol, c’est que c’est assez tape-fesses. Il n’y a pas de shocks sur la joëlette, c’est dur sur le corps… Mais créer un réseau, sortir de la maison et vivre une expérience qu’on n’aurait jamais connue autrement, ça vaut le tape-cul. »
L’expédition était organisée par l’agence BivouaQ, qui permet aux amateurs de plein air en situation de handicap d’explorer des endroits qui leur sont habituellement inaccessibles…
Maxime a beau être un grand sportif, c’est la première fois qu’il se baladait dans des sentiers aussi étroits.
Quand on croisait des randonneurs, on voyait que ça piquait leur curiosité. Des sorties de la sorte, ça démocratise les activités pour personnes à mobilité réduite.
Maxime Plante-Morin, adepte des excursions en joëlette
Et ça, c’est précieux.
BivouaQ est une coopérative de solidarité fondée il y a tout juste un an. L’agence de voyages orchestre des excursions de plein air pour tous. Qu’on soit en situation de handicap ou non, on peut s’inscrire à des activités de randonnée, canoë-kayak ou ski nordique d’une durée d’un à sept jours.
Pour chaque groupe d’une douzaine de participants, on trouve entre deux et quatre personnes en situation de handicap (qu’il soit visuel, auditif ou moteur) et deux guides. Les autres sont invitées à leur donner un coup de main, mais sans obligation. C’est à chacun de voir s’il souhaite s’impliquer ou pas…
« La beauté, c’est que les gens se côtoient, m’explique Mathieu Néron-Toupin, cofondateur de l’organisation. Ils apprennent à se connaître et se familiarisent avec une réalité qui est différente de la leur dans un contexte super ludique ! »
Mathieu Néron-Toupin a attrapé le virus du tourisme adapté alors qu’il était guide de plein air au Kirghizistan, en 2018. Il s’est vu confier un groupe de participants en situation de handicap et a été soufflé par la magie qui s’est déployée pendant l’excursion. L’enthousiasme des randonneurs était palpable ; Maxime avait l’impression de faire du bien en travaillant. Il s’est donc spécialisé en aventures inclusives et baladé entre l’Asie centrale et l’Europe.
De retour au Québec, pandémie oblige, il a constaté qu’aucune offre de la sorte n’existait ici. Il a contacté plusieurs organismes œuvrant auprès d’une clientèle en situation de handicap pour voir si l’un d’eux aimerait lancer un projet axé sur le plein air. Les deux fondateurs de l’OBNL Réseau autonomie santé, de Victoriaville, lui ont répondu avec enthousiasme.
Depuis, les quinquagénaires et le guide de 24 ans sont partenaires d’affaires. « On forme une belle drôle d’équipe », glisse Mathieu Néron-Toupin, tout sourire.
(J’aimerais arriver à vous décrire la candeur et le positivisme qu’il affiche, mais je ne serais pas à la hauteur.)
Il m’explique qu’à titre d’agent de voyages, il peut maintenant réserver des endroits qui ne sont pas adaptés (pensons à certains terrains de camping), puis apporter tout le matériel nécessaire pour rendre le séjour inclusif.
La gang de BivouaQ a d’ailleurs transformé plusieurs outils pour le confort de tous.
Les participants ont à leur disposition des tables avec des espaces pour les fauteuils roulants, des tentes-toilettes avec un siège adapté, des chaises de camping modifiées, des sacoches pour le transport des effets personnels, etc.
Grâce à cette approche, leurs options de loisirs deviennent beaucoup plus vastes. En somme : ils peuvent aller partout.
En juillet, un groupe fera une semaine de canot-camping dans les Hautes-Laurentides. En septembre, sept jours de randonnée dans les Rocheuses sont prévus. Même qu’un premier voyage à l’étranger se profile… probablement en Bolivie.
Et pour les personnes qui n’ont pas de limitations physiques, quel est l’avantage de se tourner vers BivouaQ ? Mathieu Néron-Toupin me répond qu’elles peuvent voyager de manière solidaire. « C’est une nouvelle forme de tourisme ! Tu peux profiter de ta journée de congé et en faire profiter quelqu’un d’autre… »
Sébastien Moisan a participé à une excursion vers l’observatoire de Cap-Tourmente, l’été dernier. Pendant l’ascension vers le repère d’ornithologues, il a aidé au transport d’une joëlette. Pourtant, il s’agissait pour lui d’une « randonnée normale »…
« Et ça n’a rien de péjoratif ! Ce que je veux dire, c’est que je suis allé randonner avec du monde sympathique… Il n’y avait pas d’accent mis sur les limitations des personnes. Aucun malaise ! C’était la preuve qu’on peut faire du plein air avec des personnes en situation de handicap comme avec n’importe qui. »
Il me raconte une anecdote en riant. Une famille accompagnait un enfant assis dans une joëlette. Devant une paroi rocheuse plus difficile à franchir, les parents de l’enfant en situation de handicap ont posé le fauteuil adapté pour aider les randonneurs sans limitation à grimper.
Tout le monde avait besoin d’aide, au fond.
Et ce qui est beau, c’est que tout le monde était prêt à aider.
Et c’est sur ces mots que j’entame mes vacances ! Je vous reviens en août, la tête reposée (mais surtout pleine d’idées et de personnes inspirantes à vous présenter). En attendant, toute suggestion de bon livre et de film qui détend est la bienvenue !