PRATIQUE. Tout dépend de l’assurance que vous avez choisie, de votre destination, de la date de votre voyage, de la date à laquelle vous l’avez acheté… Tour d’horizon des différents cas de figure.
« Il est préférable de différer les déplacements à l’étranger dans toute la mesure du possible », suggérait le ministère des Affaires étrangères dès le 1er mars 2020. Depuis, la crise du coronavirus a pris de l’ampleur : certains pays ont fermé leurs portes aux voyageurs venant de « zones à risques » (une quinzaine de pays, dont la France) ; d’autres ont pris des mesures restrictives (confinement obligatoire, suivi sanitaire…).
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L’annulation ou le report des voyages programmés au moins jusqu’à fin mars s’imposent alors. La plupart des compagnies aériennes jouent le jeu : Air France, par exemple, propose gratuitement le report ou l’annulation de tous les vols réservés avant le 31 mars.
Les compagnies low cost sont tout aussi conciliantes : Ryanair, easyJet, Vueling ou Transavia ont changé leurs pratiques commerciales et proposent gratuitement le report des vols.
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Mais si vous décidez d’annuler un vol, un séjour ou un circuit qui a été maintenu par la compagnie ou le tour opérateur, vous avez intérêt à être bien assuré : le risque d’épidémie et de pandémie n’est en effet pas couvert par de nombreux contrats d’assurance.
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Voyage: les trois types d’assurance annulation
- Les garanties adossées aux cartes bancaires
Toutes les cartes de paiement comportent une assurance voyage. Mais la garantie Annulation n’est incluse que dans les cartes haut-de-gamme (Visa Premier ou Gold Mastercard). Elle est de surcroît très restrictive : elle est plafonnée à 5 000 € par an et ne vous couvre qu’en cas de maladie, de décès d’un membre de votre famille, de préjudice grave à votre domicile ou de licenciement économique. L’annulation pour cause de Covid-19 n’est donc pas prise en charge.
- Les assurances proposées par les plateformes de réservation
Juste avant de régler votre voyage, ces plateformes (Opodo, Expedia, Liligo, Lastminute, Govoyages, etc.) vous proposent systématiquement de souscrire une assurance annulation dont le montant varie selon la destination et le prix du voyage (compter entre 8 et 30 € par trajet et par personne). Le plafond de garantie est plus élevé : il peut atteindre 50 000 €.
En revanche, les conditions de prise en charge restent restrictives : vous ne pouvez annuler que si vous ou l’un de vos proches est malade, et seulement si la maladie a été diagnostiquée après l’achat du voyage. D’autres événements sont couverts : le décès d’un proche, le licenciement économique, le cambriolage ou l’incendie de son domicile ainsi que tout autre « cas de force majeur ». Mais pas les épidémies et les pandémies.
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- Les assurances Voyage plus haut-de-gamme
Elles sont commercialisées par les tour opérateurs, les agences de voyage, ou en direct par les assureurs (Allianz Travel, Axa, Europ Assistance, Mutuaide…) ou des courtiers spécialisés (April International, ACS, AVA, Chapka…). Elles ont, pour la plupart, étendu leur couverture annulation à « tout événement imprévisible et indépendant de la volonté de l’assuré », explique Vincent Cordier, directeur général d’AVA Assurances. Traduction: y compris les épidémies et les pandémies. « Nous avons inventé ce type d’assurance après le 11 septembre 2011, pour garantir les attentats, les actes de terrorisme ainsi que tous les événements qui n’étaient pas couverts par le passé. »
En gros, seuls les événements relevant de la responsabilité du passager (oubli de vaccination ou de visa, perte de passeport) ou du simple agrément (absence de neige avant un départ au ski) ne sont pas couverts.
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Quels sont les risques soumis à interprétation ?
« Si vous avez compris ce que je viens de dire, c’est probablement parce que je me suis mal exprimé », aimait à dire Alain Greenspan, Gouverneur de la banque centrale américaine au début des Années 2000. Certains assureurs pourront reprendre cette devise à leur compte lorsqu’ils devront traiter les dizaines de milliers de demandes d’annulation qui vont leur parvenir, et les indemniser.
Chaque ligne d’un contrat peut en effet être interprétée de différentes façons. A commencer, bien entendu, par le terme d’épidémie : sur quels critères et pour quelle période un pays est-il considéré comme étant à risque ? « A ce jour, les Etats-Unis, ont fermé leurs frontières mais pas l’Italie, observe Vincent Cordier. Cela ne veut pas dire que l’un est plus risqué que l’autre. » Au plan médical, c’est indéniable. Pour un assureur, c’est plus compliqué…
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Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons soumis quelques cas de figure à nos experts
- Je devais partir en week-end à Rome la semaine prochaine
Tous les vols directs ont été suspendus. Il est donc inutile de faire jouer votre assurance annulation : les compagnies sont tenues de rembourser sans frais des vols concernés. Y compris les compagnies low cost.
- J’aimerais aller en Italie au mois de mai
Si vous avez réservé votre vol ou votre séjour avant la crise, attendez encore un peu avant de l’annuler : on peut espérer que les mesures de confinement et de restriction de voyage seront levées d’ici là. Mais si vous réservez aujourd’hui, vous prenez un risque : la situation sanitaire étant connue au moment où vous réservez, l’assureur pourra considérer que la garantie annulation ne s’applique pas, y compris si elle couvre les épidémies et les pandémies. « Le fondement de l’assurance, c’est l’aléa, explique Nathalie Celton, directrice des ventes de Mutuaide. Si l’épidémie est connue au moment de la réservation, il n’y a plus d’aléa, donc plus d’assurance. »
- Je pars pour deux semaines en Thaïlande
Comme l’île Maurice, le Laos, le Vietnam, le Népal ou la Mongolie, la Thaïlande n’a pas fermé ses frontières aux touristes français. Mais elle soumet l’entrée sur son territoire à un test de température. Si vous n’êtes pas malade, l’assureur considérera que vous n’avez aucune raison d’annuler votre séjour.
- Mon circuit aux Etats-Unis est annulé
Si vous avez acheté un package (vol, hébergement, transports intérieurs), il vous sera remboursé par le tour opérateur ou l’agence de voyage. Mais si vous avez réservé un vol sec, avec quelques nuits d’hôtel et une location de voiture, vous devrez contacter chacun des prestataires pour connaître sa politique d’annulation. Le remboursement ou le report du vol devrait être accordé par la compagnie aérienne ou, à défaut, pris en charge par l’assurance annulation selon les termes du contrat. Ce ne sera pas forcément le cas des autres prestations : hôtels, location de voiture, excursions…
- Mon assurance annulation ne couvre pas le risque d’épidémie
Votre voyage ne sera donc pas pris en charge par l’assurance. Vous pouvez être tenté de tricher : « C’est fou le nombre de sciatiques et d’otites qui se déclarent en ce moment ! », soupire Nathalie Celton (Mutuaide).
Elle met toutefois les assurés en garde contre la tentation de la fausse déclaration. « Face à ce qu’ils considèrent comme un certificat médical de complaisance, les assureurs demandent de plus en plus souvent d’autres pièces justificatives prouvant la réalité de la maladie : la prise en charge par la sécurité sociale d’une consultation ou de médicaments, par exemple. » Voire une expertise médicale pour les plus gros dossiers.
Contestations à venir
Face aux premières demandes d’annulation, les professionnels du tourisme comme les assureurs ont pu faire preuve d’une certaine mansuétude. Mais à mesure que leur situation se tend, elles vont examiner chaque dossier à la loupe : on peut donc s’attendre à une explosion des contestations et des réclamations. Qui sera suivie, à plus long terme, par une remise à plat des assurances annulation avec des garanties plus claires… mais aussi plus chères.