#Algérie : Dans une note mise à jour le 3 août, les autorités canadiennes dressent un tableau sombre sur l’Algérie qui est considérée comme un pays peu sûr où le risque d’attentats, d’enlèvements et d’actes de banditisme est élevé. Dans les relais médiatiques d’un régime dans le déni, on réagit avec excès.
Cela aurait pu être une banale note de «Conseils aux voyageurs pour l’Algérie» émise le 3 août par les autorités canadiennes pour orienter leurs citoyens. Sauf que quand elle commence par l’injonction suivante: «Faites preuve d’une grande prudence (avec avertissements régionaux)», la mise en garde est claire et dérange un régime pour le moins irascible quand il s’agit de son image.
D’autant que cet avis canadien vient quelques semaines seulement après un classement réalisé par Paris et qui est loin d’être élogieux. Dans son arrêté du 7 juillet 2022 fixant la répartition en trois zones des postes diplomatiques et consulaires, le ministère français des Affaires étrangères avait également catégorisé l’Algérie parmi les pays aux conditions de vie «particulièrement rigoureuses».
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Evitez tout voyage non essentiel
Ottawa a été sans concession sur la situation en Algérie, avec des précisions sur plusieurs régions, parmi les plus importantes du pays, classées comme zones à risque. Les autorités canadiennes donnent à leurs citoyens la recommandation suivante: «Évitez tout voyage non essentiel dans la région montagneuse de la Kabylie», listant au total 13 wilayas sur les 45 que compte le pays. Il s’agit notamment de Bouira, de Boumerdès, de Tizi Ouzou, d’Annaba, de Béchar, de Biskra, d’El Bayadh, d’El Taref, de Jijel, de Khenchela, de Laghouat, de Skikda et de Souk Ahras.
La note apporte des précisions concernant l’injonction d’«éviter tout voyage non essentiel». Selon elle, «votre sécurité pourrait être compromise. Vous devriez vous demander s’il est nécessaire de vous rendre dans ce pays, ce territoire ou cette région en fonction de vos besoins familiaux ou professionnels, de vos connaissances du pays ou de la région ainsi que d’autres facteurs. Si vous êtes déjà sur place, demandez-vous si vous devez vraiment y être. Dans la négative, vous devriez songer à partir.»
En effet, poursuit le document, «il existe dans ces régions des risques d’attentats terroristes, d’actes de banditisme et d’enlèvements». Et la Kabylie n’est pas l’unique partie du pays concernée par cette situation critique, puisque «dans les provinces longeant le Mali, la Mauritanie, la Libye, le Niger et la Tunisie, (…) la situation en matière de sécurité est imprévisible».
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Et d’ajouter: «Des groupes armés sont à l’œuvre dans les zones désertiques reculées des wilayas de l’Adrar, El Oued, Illizi, Ouargla, Tamanrasset, Tébessa, Tindouf.» Ainsi, 7 autres wilayas viennent s’ajouter au décompte précédent, ce qui représente une vingtaine au total.
Provinces frontalières à bannir
En plus des risques évoqués concernant les premières provinces déconseillées par Ottawa, parce qu’étant dans des zones frontalières marquées par une instabilité interne et externe, «des attaques terroristes et des opérations anti-insurrectionnelles ont lieu régulièrement dans l’est et le sud du pays, en particulier aux frontières». La même source précise d’ailleurs que «des actes de banditisme et des enlèvements ont déjà été commis».
Plus loin, la note des autorités canadiennes rappelle clairement que «des étrangers ont été pris en otage et, dans certains cas, exécutés. Des groupes terroristes ont attaqué des installations pétrolières et gazières et, au cours de ces attaques, ils ont pris des personnes en otages et les ont tuées». Le conseil suivant est expressément donné aux voyageurs canadiens: «Exercez une extrême vigilance aux postes de contrôle routier et ne vous arrêtez qu’en présence de policiers portant un uniforme officiel».
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Contrairement à ce que la propagande du régime tend à véhiculer, l’Algérie est loin de s’être débarrassée des attentats terroristes. La note précise à ce propos: «Habituellement, les forces de sécurité algériennes sont la principale cible de ces attaques. Toutefois, des civils ont aussi été tués ou blessés. Les terroristes s’en prennent également à des intérêts étrangers, y compris les installations pétrolières et gazières d’entreprises étrangères dans le Sahara.»
Risques d’attentats
Toujours selon les autorités canadiennes, «bien que les autorités aient déjoué un certain nombre d’attentats, la sécurité demeure précaire. Les centres urbains sont considérés comme plus sûrs que les zones rurales montagneuses et densément boisées, mais il existe toujours un risque de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment».
Et si par extraordinaire, il arrivait qu’on soit obligé de se rendre dans ce pays d’Afrique du Nord, il y a des endroits clairement à éviter. «Les endroits suivants pourraient être ciblés: les édifices gouvernementaux, y compris les écoles; les lieux de culte; les aéroports, ainsi que d’autres plaques tournantes et réseaux de transport; les endroits publics comme les attractions touristiques, les restaurants, les bars, les cafés, les centres commerciaux, les marchés, les hôtels et autres lieux fréquentés par des étrangers», détaille la note, appelant à «toujours être sur vos gardes lorsque vous vous trouvez dans des lieux publics».
Pour choisir un hôtel de résidence, il est crucial qu’il y ait «des détecteurs de métal, des gardes de sécurité et des caméras de sécurité». Toutefois, disent les autorités canadiennes, le voyageur doit savoir que «même les lieux les plus sûrs ne sont pas tout à fait sans risque».
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Ne pas s’aventurer dans des manifestations
Concernant les manifestations en général, la note précise qu’elles «peuvent avoir lieu à travers le pays. Même les manifestations qui se veulent pacifiques peuvent soudainement donner lieu à des actes de violence. Elles peuvent aussi grandement perturber la circulation et les transports publics, causant des fermetures de routes et des délais.» Par conséquent, il est demandé d’«éviter les endroits où se tiennent des manifestations et de grands rassemblements, de suivre les directives des autorités locales, de consulter régulièrement les médias locaux pour vous tenir au courant de la situation».
Pour ce qui est de la criminalité, le document d’Ottawa rappelle qu’«il se commet des crimes comme des attaques à main armée et des vols dans les rues des grandes villes, surtout après la tombée de la nuit». Ainsi, il demande au voyageur qui se déplace en voiture de «ranger ses affaires dans le coffre et laisser le véhicule constamment verrouillé, de se garer dans des stationnements surveillés par des gardiens».
Enfin, une plus grande prudence est demandée aux femmes qui se rendent en Algérie, car, dit la note, «les femmes qui voyagent seules peuvent être victimes de certaines formes de harcèlement et de violence verbale».
En somme, selon les autorités canadiennes, l’Algérie est un pays à éviter absolument pour les curieux qui désirent simplement faire du tourisme. Il faut avoir une impérieuse raison pour s’y aventurer, sinon c’est aux risques et périls du voyageur.
Voilà de quoi susciter l’ire des autorités d’Alger qui, à défaut de pouvoir protester officiellement contre Paris et Ottawa, ont préféré lâché la presse inféodée au régime pour dénoncer une «campagne destinée à ternir l’image du pays» ou un «classement absurde de l’Algérie».