En 2019, le tourisme mondial vivait son apogée. Avec un nombre d’arrivées internationales culminant à 1,5 milliard de voyageurs, soit une augmentation de 3,8% par rapport à 2018, ce secteur était alors économiquement un des plus dynamique à l’échelle mondiale. Logiquement, la crise sanitaire a eu un impact considérable sur le secteur et pas seulement en termes de volume. Dimension RSE à mieux prendre en compte, voyageurs en quête de plus de sens, accentuation du slow tourisme… Pour faire face à ces nombreux nouveaux défis, les acteurs du tourisme tentent de se réinventer à travers une nouvelle expérience client.
La tâche n’est pas si facile, surtout quand on connaît la structure particulière de ce secteur : de multiples industries (hébergement, transports, culture…) qui composent avec une multitude de clientèles et de territoires. Avec un si grand nombre d’acteurs, les stratégies à adopter sont multiples et les dynamiques parfois difficiles à identifier. Comment promouvoir une destination touristique tout en s’adaptant à une nouvelle demande ? Quel est le poids des réseaux sociaux dans ce secteur ? Comment intégrer une dimension RSE de manière cohérente dans son offre ? Pour mieux comprendre les grands chantiers en cours et à venir dans ce secteur, l’équipe de J’ai un pote dans la com s’est entretenue avec Stanislas Lucien, Directeur associé de l’agence Travel Insight.
Entretien avec Stanislas Lucien, Directeur associé de l’agence Travel Insight
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JUPDLC : Selon le dernier Baromètre du tourisme mondial de l’OMT (publié en juin dernier) le tourisme international a connu une augmentation de 182 % en glissement annuel en janvier/mars 2022. Peut-on dire que la crise sanitaire est désormais un lointain souvenir ?
Stanislas Lucien : Après deux années très compliquées, nous avons assisté à une phase de revenge travel. Frustrés de ne pas avoir pu beaucoup voyager en 2020 et 2021, de nombreux Français en ont profité à nouveau tout au long de l’année. D’ailleurs, le secteur du tourisme avait anticipé cette reprise et a tout fait pour que les conditions de voyage soient les plus favorables possibles. Flexibilité extrême, simplicité de réservation, des offres de voyages surfant sur les attentes des voyageurs… Grâce à cette excellente dynamique sectorielle, le secteur a repris de très belles couleurs en 2022.
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JUPDLC : Au-delà de cette reprise, les comportements de voyage semblent avoir beaucoup évolué depuis 2020. Est-ce que finalement cette crise sanitaire n’a pas été une opportunité pour préparer les bases du tourisme de demain ?
Stanislas Lucien : En effet, les comportements des voyageurs suivent de nouvelles tendances. Par exemple, nous avons remarqué une forte demande pour des destinations éloignées du tourisme de masse ou encore des envies de tester un tourisme plus durable, plus respectueux du particularisme et de l’environnement de chaque région. Cela peut se traduire par des demandes d’activités comme la découverte de l’artisanat, de l’agriculture avec toujours en fil rouge cette volonté de mieux s’insérer humainement dans le décor. Ne plus être un simple voyageur, mais un acteur de ses vacances. Par exemple, avant la crise sanitaire, une destination comme la Creuse était compliquée à mettre en avant. Maintenant, de nombreux voyageurs ont envie de découvrir cette région, ils sont à la recherche de calme et de nature. Du coup, ce territoire doit faire face à des enjeux soudains. Il faut augmenter les capacités d’accueil, rendre plus séduisantes les infrastructures ou encore embaucher pour pouvoir répondre à cette nouvelle demande.
JUPDLC : Est-ce une simple tendance ou un réel changement structurel dans les habitudes de voyage des Français ?
Stanislas Lucien : En 2022, ce comportement est devenu presque un réflexe pour tous les voyageurs. Si certains acteurs du secteur ne se positionnent pas sur cette nouvelle demande, il est fort à parier qu’ils risquent de prendre un temps de retard et de se priver de belles opportunités business. Cette demande de slow tourisme est une quête, chaque touriste tentant de trouver, voyage après voyage, la destination la plus authentique.
JUPDLC : Le slow travel est un « luxe » que tous les voyageurs ne peuvent pas se permettre. Cela signifie d’une certaine façon que le tourisme de « masse » existera toujours. Comment rendre plus vertueux ce type de voyage ?
Stanislas Lucien : Ce n’est pas un luxe à proprement parler, c’est un état d’esprit de voyage. C’est simplement des choix de voyages qui sont différents de nos précédentes habitudes comme prendre le train plutôt que l’avion, ou encore aller chez l’habitant voire dormir dans un lodge plutôt qu’à l’hôtel. Les voyageurs fuient le plus possible les expériences de masse. Ils ne sont plus à la recherche d’une destination, mais d’une expérience qui soit plus respectueuse de l’environnement naturel, culturel et social.
JUPDLC : Est-ce que le slow tourisme nécessite une nouvelle forme de communication ? Par exemple, en utilisant des canaux et des contenus auparavant peu utilisés (réseaux sociaux, podcasts, formats vidéo…) ?
Stanislas Lucien : Le slow tourisme c’est une histoire qui se raconte, se dévore, s’écoute et se dévoile. Le storytelling est donc un élément essentiel du slow tourisme. Pour autant, il faut bien veiller à incarner la manière dont on raconte ces histoires. Le fondement de ce tourisme, c’est sa dimension humaine. Les publications et les formats mis en valeur doivent donc placer l’humain au centre de la communication.
JUPDLC : Est-ce que le marketing d’influence est désormais un levier de communication important ? Comment l’utiliser sans tomber dans un format trop « pub » ?
Stanislas Lucien : Le marketing d’influence est un levier de performance qui fait ses preuves, c’est indéniable. Il est 11 fois plus performant que la publicité traditionnelle. Après, il faut bien avoir en tête que le tourisme est un secteur particulier dans son approche marketing. Par exemple, le code promo reste un levier très efficace. Et pourtant, ce n’est pas très « moderne ». À côté de cela, le storytelling efficace d’un influenceur est aussi un moyen parfait pour mettre en avant un territoire. À travers son pouvoir de prescription, les communautés peuvent se projeter dans l’idée du voyage. Il faut bien veiller tout de même à ce que l’influenceur explique bien son choix de destination et qu’il soit en adéquation avec ses habitudes de vie.
JUPDLC : Pourquoi les notions de Brand Safety et de Brand Suitability sont-elles aussi importantes dans le secteur du tourisme ?
Stanislas Lucien : Encore une fois, l’humain ! Le tourisme, c’est intrinsèquement le contact humain, les rencontres, la manière dont nous consommons. Le tourisme est un secteur. Prenons l’exemple du territoire des Calanques de Marseille. Le lieu était si attractif que cela a fini par nuire à la population locale et à l’environnement. Résultat, la région a dû se résoudre à faire du démarketing afin de réduire les voyageurs et ainsi préserver la richesse naturelle de ce site. L’idée n’était pas ici de nuire à l’image de marque, mais de communiquer afin de se protéger du tourisme de masse et ainsi responsabiliser les voyageurs eux-mêmes.
Ensuite, il faut avouer que le Brand Safety doit aussi passer une grosse phase de branding qui doit être en adéquation avec le positionnement et les possibilités de chaque territoire. Il faut faire les bons choix dans ses objectifs de publications de contenus et surtout collaborer avec les bons partenaires. Un message qualitatif adressé à une cible précise sera toujours plus utile qu’une visibilité accrue sans stratégie préalable. L’abondance est parfois l’ennemi du mieux en matière de communication touristique.
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JUPDLC : Quelle que soit la façon de voyager ou la destination, un travail de sensibilisation et de pédagogie doit être effectué auprès des voyageurs. Qu’en pensez-vous ? C’est quoi être un « bon touriste » ?
Stanislas Lucien : Prendre soin de la culture, de la nature, de l’histoire d’un territoire. Le voyage doit être vécu comme une valorisation symétrique. Celui qui accueille met en lumière la destination et celui qui voyage prend le temps de découvrir cette richesse.
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