A l’heure du « slow tourisme », une expo « inédite” célèbre le voyage en train

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Comment, à partir du milieu du 19e siècle, l’essor du chemin de fer a-t-il modifié nos représentations du temps et de l’espace ? A l’heure où les Français, adeptes du « slow tourisme » ou préoccupés par la crise énergétique, semblent de plus en plus nombreux à privilégier ce mode de transport, le musée d’arts de Nantes lui consacre sa nouvelle exposition. Un choix en apparence surprenant sauf à considérer que « le train, comme un nouveau moyen de communication du 19e siècle, a permis de voir le monde différemment », à commencer par les artistes, explique Jean-Rémi Touzé, le commissaire scientifique de l’exposition. A partir de ce vendredi et jusqu’à février 2023, « Le voyage en train » explore donc ces bouleversements de manière « inédite », grâce à une centaine d’œuvres (principalement des peintures) pour certaines exceptionnellement prêtées par le musée d’Orsay.

Dans la première partie de l’exposition, les rails viennent petit à petit se mêler aux paysages parfois bucoliques. Que fait cette locomotive en arrière-plan dans cette toile de 1870, signée Claude Monet ? « C’était une manière d’exprimer sa modernité, répond Jean-Rémi Touzé. Il y a cette idée que le chemin de fer vient réanimer un paysage, une nature morte qui est un poncif de l’art, poursuit le commissaire. La machine vient le sublimer en créant quelque chose d’éphémère, qui lui donne toute son importance. » La peinture devient aussi plus rapide avec de grands coups de brosse, des personnages peu détaillés. Et sur les toiles, les architectures métalliques comme les ponts se mêlent à la nature où elle se reflète. Le fracas de la machine, sa vapeur, font écho aux tempêtes naturelles et aux nuages… « Le sujet devient au cœur de l’impressionnisme », commente le commissaire.

Train dans la campagne, Monet Claude (dit), Monet Claude-Oscar (1840-1926). Paris, musée d’Orsay. MNR218. – Hervé Lewandowski

Mais le train, c’est aussi le plaisir de regarder à travers le paysage défiler devant ses yeux. Et ce même s’il défile trop vite (pourtant entre 40 ou 50 km/h à l’époque) pour certains peintres ou photographes qui en ont peur puis se donnent le défi de le rattraper ! Sur un grand mur bleu, le Musée d’arts nous fait voyager grâce à 100 ans de représentations de paysages à travers la vitre, des frères Lumière aux affiches publicitaires. Des vues assimilées à de véritables découvertes, alors que le train est lui-même considéré par certains comme un artiste à part entière, capable de livrer des scènes différentes et surprenantes, de façon aléatoire. « Comme des emblèmes de la modernité » les signaux de régulation colorés et lumineux apparaissent dans les œuvres pour des résultats très géométriques.

Dans le huis clos du train

Au deuxième étage du musée, l’ambiance devient plus intimiste. Accueillis par une étrange accumulation d’horloges, on s’interroge dans cet espace sur la notion du temps, et sur le drôle de lien entre l’histoire du chemin de fer et de l’heure. « Chaque ville vivait à sa propre heure, en fonction du soleil, mais du train est née la notion de synchroniser les horloges ! Le stress du retard démarre alors », rappelle Jean-Rémi Touzé.

Arman, l'Heure de tous, prototype pour la gare Saint-Lazare à Paris (1985)Arman, l’Heure de tous, prototype pour la gare Saint-Lazare à Paris (1985) – J. Urbach / 20 Minutes

On passe ensuite du quai au wagon, entre ces moments où l’on se presse et ceux, plus suspendus, où l’on est obligé d’avoir des interactions avec ses voisins, pour le meilleur… ou pour le pire. Les voyageurs sont mis à l’honneur, via de nombreux tableaux de toute l’Europe, où l’on rencontre dans le huis clos du train des dormeurs, familles, une veuve avec son enfant… « Il ne se passe pas grand-chose mais ce sont des fragments d’une histoire qui s’offrent à nous, observe Jean-Rémi Touzé. Cette exposition interroge sur notre façon de voyager aujourd’hui, de prendre son temps, mais aussi sur la notion de progrès qui se transforme, avec le recul, en technologie du passé. » Au sous-sol, une étrange installation mêle grande maquette de paysages et de train à une douzaine d’œuvres d’artistes contemporains.

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