L’Orient-Express, palaces … LVMH accélère son développement dans le tourisme haut de gamme

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22h00
, le 6 juillet 2022

La gare de Reims n’est pas habituée à un tel tohu-bohu : orchestre de cuivres, tapis rouges, majordomes en livrée, une tour de Babel de voyageurs et une vingtaine de wagons bleu nuit construits dans les années 1920-1930, décorés de marqueterie, de verre Lalique, de velours confortables. Pour fêter ses 250 ans, Veuve Clicquot s’est associée à sa cousine Belmond (toutes deux font partie de la galaxie LVMH) pour organiser un voyage sans équivalent : un déjeuner dans les crayères de la maison, un trajet Reims-Venise à bord du mythique Venise-Simplon-Orient-Express, puis une nuit au Cipriani. Cent vingt personnes ont déboursé entre 7 000 et 50 000 euros pour trois jours hors du temps.

Six couples ont pris place dans les grandes suites : quatre Américains, un Canadien et un Espagnol domicilié en Suisse. Leur chambre est équipée d’un lit double, d’un canapé, d’un fauteuil, d’un mini-dressing, d’une petite table et – comble du confort dans un train – d’une douche privative et de toilettes. Les repas (dîner, petit déjeuner puis déjeuner) sont concoctés par le chef Jean Imbert, également du voyage. Smoking et robes longues obligatoires, magnum de La Grande Dame ou de la cuvée prestige Cave Privée.

Palace vénitien

« Il n’y a qu’en France que l’on peut vivre de telles expériences, s’enthousiasme une jeune ­Lituanienne, venue avec son mari dès qu’elle a eu vent de ce voyage pas comme les autres. Un Anglais renchérit : « Vous savez conjuguer page d’histoire, tradition et luxe intime, ce qui est rare. » Les Nord-Américains représentent un peu plus de la moitié des clients. On dénombre également des Belges, des ressortissants des Émirats arabes unis, de Suisse ou d’Allemagne. « Depuis deux ans, le marché du luxe est spectaculairement reparti de l’avant, atteste Jean-Marc Gallot, le PDG de Veuve Clicquot, qui a imaginé ce week-end de rêve. Nos clients veulent vivre des moments uniques. Un mois après l’ouverture à la réservation de ce voyage, nous étions déjà complets. »

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Arrivés lundi en début d’après-midi à la gare de Venise, les voyageurs ont ensuite été menés par bateau au Cipriani, l’établissement emblématique de Belmond sur l’île de la Giudecca. Le seul palace vénitien à disposer à la fois d’une immense piscine, d’un grand ­jardin (3 hectares) et d’une vue sur le bassin de Saint-Marc et sur le Palais des doges, ainsi que d’un restaurant gastronomique : l’Oro, dirigé par le jeune chef ­Riccardo Canella, la nouvelle star des fourneaux italiens.

Cette pérégrination vers le monde d’avant, où le plus légendaire des trains – l’Express de l’Orient, ainsi nommé lors de son premier périple, a été mis sur les rails pour la première fois le 4 octobre 1873 – s’unit à un palace célèbre et au meilleur de la gastronomie, incarnant exactement ce que souhaite être la plus récente division de LVMH : Hospitality Excellence. Cette dernière comprend Belmond (50 propriétés, dont 34 hôtels dans 24 pays et 7 000 salariés), ainsi que Cheval Blanc, la marque de palaces lancée par le numéro un mondial du luxe en 2006.

Belmond a été acheté 2,8 milliards d’euros par LVMH

Belmond est né du rêve d’un Américain plus britannique que les sujets de Sa Majesté, James ­Sherwood, devenu multimillionnaire en 1965, à l’âge de 36 ans, grâce à une idée promise à un grand avenir : la location de conteneurs maritimes. Obnubilé par les hôtels de luxe et passionné de trains, ce diplômé de Yale a racheté coup sur coup aux enchères le Cipriani (1976) et deux voitures du Venise-Simplon-Orient-Express (1977). Puis a complété son portefeuille en arpentant le monde pour y ­repérer les plus beaux hôtels familiaux au charme colonial et à l’avenir incertain. L’intuition de James Sherwood s’est avérée juste : les palaces à taille humaine, les croisières fluviales et les wagons historiques séduisent plus que jamais aujourd’hui, en adéquation avec la tendance du slow tourism.

« À partir de 2010, Belmond était convoité par les plus grands groupes du secteur, les fonds d’investissement et quelques grandes fortunes privées », se souvient un analyste financier. Mais c’est le groupe créé par Bernard Arnault qui l’emporte, en avril 2019, pour un montant de 2,8 milliards d’euros, un an avant la mort de James Sherwood. À la tête de la division Hospitality Excellence, le PDG de LVMH vient de nommer Stéphane Rinderknech, 48 ans, « chassé » chez L’Oréal, où ce patron de la filiale nord-­américaine du champion des cosmétiques a passé dix-huit ans, entre Corée du Sud, Japon, et Chine.

Certains reviennent de génération en génération, ce qui correspond tout à fait à ce que nous souhaitons être : la plus belle marque du voyage de luxe

« Le luxe “expérientiel”, c’est celui des émotions ressenties en voyageant, celles dont l’on se souvient longtemps après être revenu, estime le dirigeant arrivé le 6 juin chez LVMH. Belmond a été un pionnier de la légende du voyage. La nostalgie et la joie de vivre. » Un atout maître, selon celui qui commence à découvrir chaque fleuron de la division : « L’univers du voyage se recompose après deux ans de fermetures de frontières et de confinements. À nous de répondre à ces nouvelles attentes. »

À la tête de Belmond, le ­Néerlandais Roeland Vos observe depuis le début de l’année la concrétisation d’une saison « magnifique » : « Le niveau des réservations est excellent. Nos hôtels sont pleins. Et de nombreux clients allongent leurs séjours. Certains reviennent de génération en génération, ce qui correspond tout à fait à ce que nous souhaitons être : la plus belle marque du voyage de luxe. »

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